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J’ai l’impression que les troisièmes jours sont toujours des jours de transition. La tête n’est plus à la maison, la routine s’installe et le voyage commence vraiment.

 

Comme on nous a conseillé de ne pas trop tarder pour monter jusqu’à Cape Breton – l’île est plus froide, donc par conséquent les arbres perdent plus rapidement leurs couleurs d’automne – on prend le parti de trancher dans le vif en avalant une très grosse portion de route, par l’autoroute. On vous le concède, ce n’est ni très glam, ni trop dans l’esprit d’un road trip.

 

Mais avant de partir, dans nos recherches tout le monde s’accordait à dire que la route entre Truro et New Glasgow est totalement dénuée d’intérêt. Truro, c’est le hub de la Nouvelle-Ecosse, le point d’entrée de sortie du New Brunswick, les routes arrivant de l’île du Prince Edward, d’Halifax, de Cape Breton, toutes passent par Truro. Et New Glasgow, c’est la ville industrielle de la Nouvelle-Écosse. Bon ça, c’est dans les faits, peut-être qu’on y loupe quelque chose, mais c’est le jeu. Ah si, faire ça implique de faire une croix sur Pictou. Pictou c’est le premier lieu d’installation des écossais venus coloniser la presqu’île de la Nouvelle-Écosse. D’ailleurs, au fur et à mesure que nous grimpons vers le nord, nous rencontrons de plus en plus de signes de l’influence écossaise. Une église Sainte Margaret of Scotland par ci, un scot- quelque chose par là.

 

Arrivés dans la péninsule de Cape George, les panneaux d’entrées de ville sont carrément doublés en deux langues : anglais et un dérivé du gaélique.

 

Bref nous avalons donc nos kilomètres entre Truro et New Glasgow sans trop de difficultés. Dehors le ciel est gris d’argent, un peu terne, la lumière n’est pas terrible, on aura donc manqué notre rendez-vous avec le lever de soleil au matin de notre spot. Pas grave, ce dernier était parfait pour passer la nuit, très peu bruyant, il faisait l’affaire.

 

Sur l’autoroute tandis que l’autoradio nous donne à entendre quelques sons rock à tendance pop et qu’un très léger crachin se met à tomber, on déroule à notre vitesse les kilomètres qui nous séparent de New Glasgow. A notre vitesse, puisque même les longs convois de camions américains n’hésitent pas à nous dépasser.

 

Une fois tout ça terminé, et passée l’épreuve de notre premier WalMart (c’est visiblement un point important dans la vie d’un camper nord-américain, puisque beaucoup n’hésitent pas y dormir sur les parkings), on reprend la route. On laisse donc Pictou derrière nous qui, nous obligerait à un détour trop important et on commence à enquiller la péninsule de Cape George.

 

On prend le parti de manger tôt, près de la mer si possible, mais les envies et les possibilités en road trip ne font pas toujours bon ménage. Du côté de Merigomish, on prend donc une petite route qu’on pense nous amener vers la mer. Erreur, la route se termine en voie privée qui par chance a un petit débord. C’est mieux que rien. On s’arrête donc ici, la porte face à la baie. Le vent a considérablement forci, mais ça ne nous empêche en rien de grignoter.

 

Une fois cette opération effectuée on reprend la route, pour cette fois bifurquer sur l’isthme de Big Merigomish Island, sorte de long bras de terre qui fait office de digue naturelle. La route de cailloux nous fait longer le Golfe du Saint Laurent. On remarque un petit devers, où l’on peut se garer, ainsi qu’une trouée dans la digue nous permettant d’accéder à plage. Nous sortons donc affronter le vent qui ne cesse de souffler avec rage.

Et si il fallait une meilleure manière de nous accueillir, voilà qu’un panneau nous met en garde de la présence de Poison Ivy, ou je cite en français dans le texte : ‘Herbe à la puce”. La référence à Batman nous fait sourire, hormis ça, nous n’avons aucune idée de ce à quoi ressemble cette plante.

 

On marche sur le sable, se revigorant du vent de la mer. Même si ce dernier souffle, la mer, elle, reste d’un calme méditerranéen. Sur le sable, tous les cailloux semblent avoir été taillés par les marées pour concourir au championnat du monde de ricochet. Lisses, plats, effilés, profilés.

La longue plage de sable clair nous rappelle Rossbeigh Beach en Irlande, ou une longue plage de Normandie. Des morceaux de bois flottés, parfois brûlés, jonchent le sable.

 

Ainsi que des touffes herbeuses qui donnent l’impression de voir une plantation de poireaux. Le sable est mou, on s’enfonce de plus d’une dizaine de centimètres à chaque pas. Les algues sont accrochées aux moindres cailloux qui sont disséminés sur la plage. C’est marrant, j’ai l’impression de voir ça pour la première fois de ma vie. Chaque caillou a une ou plusieurs branches d’algues savamment accrochées dessus.

Sur le chemin du retour, alors que nos oreilles commencent à rosir et le vent à nous enivrer, nous croisons, comme à Rossbeigh Beach, un squelette et le peu qu’il reste d’une peau de phoque. On reconnaît les nageoires.

Nous remontons dans la voiture, faisons demi-tour, passons des petites communautés, et une fois arrivés à Knoydart, un déviation nous oblige à emprunter une route calamiteuse – comme d’ailleurs beaucoup d’axes secondaires en Nouvelle-Écosse, ce que nous avait confirmé une dame de Fraserway – faite de nids de poule, de crevasses, de chaussées affaissées. Mais le revers de la médaille, le bon revers, c’est que la route jalonne entre des arbres gorgés de couleurs d’automne. Du rouge, du jaune, du brun, de l’orangé, la route est tout aussi magnifique qu’elle est défoncée. Nous sommes en plein dans ce que nous étions venus chercher !

Arrivés à Arisaig, nous faisons un petit arrêt, et descendons jusqu’au port. J’ai l’impression de revoir des paysages d’Islande, avec ces petites routes qui descendaient jusqu’au port et où l’on pouvait voir à quel point l’activité de la pêche était quelque chose de prépondérant dans la vie économique locale. Les usines de pêche sont certes fermées, il n’en reste pas moins que les cages à homard sont de sortie tout comme les pêcheurs qui chouchoutent leurs rafiots ballotés dans le port.

 

Pendant que des jeunes encore mineurs, à peine pubères, s’amusent à faire du deux roues sur leurs petites motos cross, nous grimpons jusqu’au phare. Notre troisième jusqu’à maintenant. Un par jour, bonne moyenne.

Le phare est fermé depuis le mois d’août mais tout autour des plaques racontent l’histoire du coin. On peut par exemple apprendre que sur le gros rocher face à nous s’échoua, au 17ème siècle un navire français, prenant le rocher pour une habitation. Peut-être était-ce des pêcheurs basques ? En tout cas j’aime à le croire vu l’histoire de ces pêcheurs et de la région, ça reste possible, et même fortement probable.

 

Depuis ce phare de 2007, réplique de celui qui brûla en 1939 et qui arbore un homard en guise de girouette, on aperçoit au loin les lignes de l’île de Pictou et même l’île du Prince Edward, la plus petite des provinces du Canada.

Je profite de cet arrêt pour changer ma pellicule du 6×6 et nous repartons pour Livingstone Cove. Là aussi nous descendons jusqu’au port. Totalement délaissé, nous sommes quasiment seuls avec un groupe de jeunes touristes. Nous nous garons sur les hauteurs, le long de l’usine de pêche. Il fait un vent à décorner les buffles, les touffes herbeuses sont à l’horizontale, et pourtant on s’y verrait bien dormir tant la vue est magnifique sur la mer qui moutonne.

J’aperçois plus bas le groupe lancer des tonitruants “Oh my god !”, qui parviennent à mes oreilles grâce aux bourrasques de vent. J’ai beau plisser les yeux, je ne vois rien.

 

Nous passons de nombreux bancs – ici, comme en Angleterre, les gens se payent des bancs en hommage à des êtres chers disparus – et une fois arrivés en bas, sur le port, et après avoir grimpé sur les rochers, s’être stabilisés, car le vent nous pousse dans le dos, nous voyons enfin ce que les autres voyaient : notre premier phoque.

L’eau est tellement claire malgré les moutons, que nous voyons la forme de son corps se profiler par les grands coups de nageoire qu’il donne sous l’eau, puis sa petite tête grise et blanche pointer hors de l’eau et nous regarder de manière circonspecte.

 

Comme nous l’apprend une plaque, Livingstone Cove semble être mondialement connue pour ses couchers de soleil. Malheureusement à voir la tête du ciel, ce n’est pas notre jour de chance, et nous ne pourrons en profiter. Les nuages sont toujours là, on voit certes un peu de ciel bleu, mais c’est loin d’être suffisant pour nous offrir le spectacle tant promis.

 

On déambule sur les quais, je m’imprègne de ces ambiances de ports abandonnés que j’aime tant. J’y retrouve mes marques, chaque élément semble avoir mille et une histoires à raconter.

C’est l’heure de goûter, alors on prend le temps de se poser dans le vent, sur une table de pique-nique, buvant un thé tiède et grignotant quelques cookies locaux et réfléchissant à quoi faire ce soir. Brave t-on les panneaux d’interdiction de camper au risque de se faire virer dans la nuit ou au petit matin, brave t-on le vent qui risque de nous faire danser le rock toute la nuit ?

 

On abdique le lieu est beau mais on décide d’avancer, en se disant qu’au pire, si jamais on ne trouve pas plus loin, on pourra toujours faire machine arrière.

Résultat nous dépassons la pointe de la péninsule pour s’arrêter à Cape George. Ce qui me semble être le point le plus haut de la Nouvelle-Écosse, Cape Breton mis à part, abrite aussi un phare, et une rando y mène, ainsi que d’autres « trails » qui serpentent la région.

 

On a très vite compris que, qui dit National Park, dit souvent, parking avec table de pique-nique et parfois toilettes. Et ça ne manque pas, un petit parking sert de point de départ pour la Trailing Head n°3 qui grimpe sur les hauteurs et mène jusqu’au phare.

 

Le parking a la chance d’être protégé du vent par de très grands sapins. Au milieu de ces derniers se trouve un petit chemin qui mène à une plaine où se trouvent des tables de pique-nique. La vue est certes dégagée, mais avec ce vent nous n’en profiterions même pas.

 

On hésite à se poser là. Ici aussi un panneau interdit de se poser pour la nuit. Mais nous sommes seuls, hors saison, loin de la route, des maisons et de tout autre activité, alors on se dit que c’est possible.

 

Gardée dans un coin de notre tête, on hésite aussi à faire la rando jusqu’au phare maintenant. Mais la lumière décline vite derrière les nuages, on n’a pas envie de se speeder, alors on remet ça à demain.

 

On prend le parti de quand même aller voir à quoi ressemble le petit port de Ballantynes Cove. Le guide semble dire qu’il est possible de s’y poser, et je lis aussi la promesse d’un fish & chips. Sauf que nous sommes hors saison, dimanche, et tout est fermé.

Mais bon, je fais contre mauvaise fortune bon cœur, et shoote de nouveau ces ambiances de port. Les mats jouent la même ritournelle habituelle du “gling, gling, gling”, les thoniers sont posés sur des étraves pour être retapés, et l’ambiance tourne au ralenti. Encore une fois, je retrouve cette atmosphère islandaise qui nous avait fait dire “ça doit ressembler à ça le Canada”, et ça ressemble bien à ça. Seul la langue diffère.

Je regarde ces bateaux avec amour, m’imaginant des milliers d’histoires de marins locaux ou d’ailleurs, qu’ils soient portugais, irlandais, anglais, basques, bretons ou de La Rochelle, tout ceux qui ont bravé ces eaux et ces tempêtes durant l’automne et un peu d’hiver.

Nous quittons Ballantynes Cove et son allure de Siglufjordur, remontons la route qui serpente, et que l’on surnomme la petite Cabot Trail, pour retourner sur le parking de Cape Geroge. On se posera là pour la nuit.

 

Protégés du vent la température est presque douce, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du van. A la lueur des bougies nous dînons tôt, encore plus que d’habitude, prêts à affronter une nouvelle journée, prêts pour commencer à découvrir de nos yeux Cape Breton et son ambiance si particulière.

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