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En voilà une drôle de journée ! Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs et commençons par le commencement.

 

Nous nous réveillons chez nos amis du camping hippie après avoir dormi comme des loirs. Ce matin, le soleil est enfin de retour, la température a légèrement baissé tout comme le vent qui semble s’être un tout petit peu calmé.

Pour la petite histoire, hier soir quand nous sommes arrivés au camping, le détecteur de fumée à l’intérieur s’est mis à biper de manière récurrente, deux bips toutes les minutes, sans que l’on en comprenne la cause. On a pris soin de prévenir le loueur afin de lui faire part du problème – après avoir changé les piles, remis les anciennes, lu la notice et j’en passe – et surtout pour voir si une solution est envisageable.

 

Après quelques palabres et discussions nous convenons de se rappeler le lendemain matin. Cécile passe donc le coup de fil tandis que je profite d’une des dernières douches chaudes avant Halifax. Pendant que je déguste mon café sous le regard d’écureuils relativement espiègles et contemple la vue sur St Ann’s Bay, ils nous trouvent un réparateur dans les environs de Sydney. Ça tombe bien, c’est sur notre route, et ne nous oblige pas à faire un grand détour.

 

Nous avons repéré un petit ferry/bac qui nous permet de gagner une vingtaine de kilomètres. Nous poussons donc jusqu’à Englishtown traversons un isthme ou un barachois – mot acadien provenant du basque et qui sert à nommer une petite bande de terre avançant sur l’eau – sous les assauts du vent ravageur, bien que tenant le volant fermement je sens la cellule faire des embardées.

 

Nous arrivons tout juste au bon moment et les voitures sont déjà prêtes à embarquer sur le bac. 7$ la traversée de 3 minutes, c’est un peu cher payé, mais bon, ça nous fait toujours plaisir de prendre un ferry.

Nous récupérons la Highway 105, morceau de la transcanadienne et filons jusqu’à Groove’s Point au son de Radio Canada et de ses nombreux et très intéressants débats sur les communautés des premières nations.

 

Arrivés au magasin de trailers et de RV, nous expliquons que nous venons de la part de Fraserway et expliquons notre problème. Après plusieurs minutes de patience, pour pas grand-chose, puisque forcément le détecteur ne fait plus bruit, il est revenu à la normale. Sans doute était-il déréglé suite au vent fort et à l’humidité de la veille. Nous en profitons tout de même pour faire resserrer un vérin de la cellule que je trouvais relativement lâche par rapport aux autres.

Nous voilà rassurés et reprenons la route direction la forteresse de Louisbourg. Nous traversons le mignon petit village, faisons un premier arrêt au Musée des trains de la ville qui, bien que fermé, ne nous empêche pas de déambuler au milieu des wagons abandonnés servant autrefois au transport de charbon venu des mines de la proche Sydney.

Pendant que Cécile fait un petit ravitaillement des produits de base, je marche jusqu’au front de mer où des panneaux explicatifs nous redonnent un point historique sur la ville. Pour la faire courte, Louisbourg avait une place primordiale sur le chemin des pêcheurs en haute mer, comme les Mi’kmak ou les européens. Son anse naturelle était toujours libérée des glaces, et lorsque Terre-Neuve devint définitivement anglaise, Louisbourg était un bon port de repli pour tous ces pêcheurs venus du Pays Basque, d’Irlande, du Portugal, D’Écosse ou de Bretagne.

 

On note la présence des basques depuis le début du 15ème siècle, mais il est très probable qu’un écossais du nom de Henry Sinclair était déjà venu ici en 1398. Comme quoi, plus on avance dans nos voyages, plus nous rendons donc que la soi-disant découverte de l’Amérique par ce cher Christophe Colomb est quand même relativement usurpée.

Bref les panneaux nous expliquent l’importance de la pêche à la morue, l’histoire de la Forteresse de Louisbourg ainsi que son déclin et la décision qui fut prise dans les années 60 de reconstruire à l’identique sur d’anciennes ruines la forteresse.

 

On a pris cette décision aussi bien d’un point de vue de conservation historique que pour donner du travail à tous les mineurs laissés sur le carreau suite à la fermeture des mines de charbon.

Nous continuons notre traversée de Louisbourg et prenons la route qui rentre dans le Parc National pour ainsi rentrer au cœur de la forteresse. Nous voyons les tarifs affichés, 7$ par personne. Nous nous approchons de la barrière et un petit vieux, responsable de l’entrée, nous fait savoir que comme tout est fermé à l’intérieur, c’est donc gratuit. Il nous rappelle que le parc ferme à 16h.

 

La route qui part de la barrière pour mener à l’intérieur de la forteresse vaut à elle seule le détour. Le vent crée des rouleaux presque parfaits sur la mer d’où s’échappent des volutes d’écume. Nous traversons les marais sous un vent qui nous fait gîter.

Avant d’attaquer la visite nous déjeunons sur le pouce face à la mer et face au phare, premier phare de l’histoire du Canada, et le deuxième d’Amérique du Nord

 

Et nous voilà partis. Habituellement dans les ruelles de Louisbourg se trouvent des gens en costume jouant le rôle des habitants connus de l’époque phare de la Forteresse, mais hors saison, personne, nous avons un peu l’impression de nous promener dans une ancienne ville fantôme. Il faut un peu d’imagination pour s’imaginer le faste, les bruits de l’époque et l’agitation qui pouvait y régner. Par chance, certaines maisons sont ouvertes et nous pouvons rentrer à l’intérieur.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les panneaux explicatifs sont très bien faits et peuvent même suffire si, comme nous vous vous y rendez hors saison. Nous découvrons donc l’immense porche de l’entrée principale du port, la maison servant de logis aux marins venus de France exercer leurs services et en attente de repartir.

Pour comprendre : revenons au 17e siècle (promis ce ne sera pas long). L’île du Prince Edward et l’île du Cape Breton sont une colonie française appelée L’Ile Royale, et il faut appuyer la présence française afin de garder la main sur la grande réserve de pêche que représentait cette partie de l’Atlantique Nord.

 

En 1713, une forteresse est donc construite, s’implantant tant au niveau portuaire (Louisbourg sera à l’époque en concurrence directe avec Boston), qu’au niveau géographique : la capitale de la nouvelle colonie de l’Ile Royale se doit d’être la première ligne de défense lors des guerres avec la Grande-Bretagne pour l’occupation de l’Amérique du Nord. En 1745, les Anglais attaquent Louisbourg. S’ensuivent périodes de siège, Le Traité de Paris qui rendra la ville aux français, un nouveau siège, pour terminer sur la remise des clés de la forteresse aux anglais le 26 juillet 1758.

On comprend très vite que l’emplacement choisi se révèle être un choix hautement réfléchi. A l’entrée d’une mer qui ne gèle pas, face à l’océan, avec les liaisons directes des Antilles, de France et d’Europe et jouissant d’une surface plane et constructible que représentent les marais et la pointe Rochefort que l’on aperçoit au loin.

Nous croisons même un ingénieux système de réfrigérateur fait grâce au lit d’un marais, à du foin et à une glace préservée même en été. Je regarde le port et j’imagine ce dernier plein de goélettes venues de France, d’Espagne, du Pays Basque et d’ailleurs.

Alors que nous avançons sur le chemin des ruines, nous voyons au loin se former dans le ciel un immense nuage très dense qui jette des rais de lumières sur la silhouette de la forteresse. La vision est onirique, symbolique et presque dramatique.

 

Nous continuons sur le chemin des ruines, un parcours qui longe la route et s’enfonce dans la lande, permettant de voir ou d’apercevoir les fondations d’anciennes maisons, d’anciens monastères toujours agrémentés de panneaux ne manquant pas de nous rappeler l’histoire et la fonction de chacune des ruines que nous avons sous les yeux.

Cécile ayant un peu froid, je m’avance seul sur la seconde partie du chemin qui s’enfonce dans les marais, le vent me fouette le dos tout autant que la pluie me fouette le visage. Au bout, sur la pointe Rochefort, ancien lieu du cimetière, je regarde un arc-en-ciel se former au-dessus de la nouvelle ville, et j’admire les vagues immenses venir se jeter de manière suicidaire sur les rochers noir charbon. Je voudrais bien m’avancer, mais je regarde ma montre et m’aperçoit qu’il est déjà 15h50, je remonte donc le chemin au pas de course, complètement groggy par le vent.

Sur le parking les quelques voitures qui étaient présentes sont déjà parties alors nous filons vite vers la sortie ne manquant pas, au passage, de prendre en photo ce ciel dramatique et cette mer vert émeraude.

 

16h10 nous voilà devant la barrière…fermée du Parc. On se dit d’abord que ce n’est pas possible, que le petit vieux à l’entrée a au moins dû vérifier si ceux qui étaient rentrés, étaient bien ressortis – il n’y a qu’une seule entrée, et donc qu’une seule sortie – et non. Nous sommes donc belle et bien enfermés dans un Parc National du Canada, inscrit au patrimoine de l’UNESCO.

 

On essaye de regarder dans la petite guérite, de voir si on ne trouve pas un numéro de téléphone, un truc, quelqu’un qu’on pourrait appeler. On teste tout mais rien ne fonctionne. On ouvre le Lonely Planet en espérant tomber sur un numéro des Parc Nationaux, mais rien alors on se rabat sur le numéro de téléphone de l’office du tourisme de la Nouvelle-Écosse.

 

On tombe sur une fille à qui, une fois expliqué notre petit souci, nous répond : “Oh god!”. Totalement désemparée – on aime bien se mettre dans ce genre de situation sans le vouloir – elle nous met en attente, tenter de trouver des numéros, se démène. Pendant ce temps je sors faire un tour et remarque alors qu’au dos d’une barrière d’une autre route se trouve un numéro d’urgence.

 

Je cours vers la voiture, Cécile au bout de sa 25ème minute d’attente, récupère la dame et lui explique que nous avons trouvé un numéro. Avant ça elle nous dit qu’elle a eu quelqu’un, qu’ils vont trouver une solution, que ça risque de prendre moment, sans doute 1 h 30.

Ah oui, il faut que vous sachiez que nous, bêtement on s’est dit “bon bah ce n’est pas grave, à quelle heure ils ouvrent demain matin ? Au pire on passe la nuit ici“. Sauf qu’on est vendredi et que le Parc ferme pour tout le week-end. Bingo !

 

Elle prend l’initiative d’appeler pour nous le numéro d’urgence que j’ai trouvé et, ô miracle ! Elle nous annonce que quelqu’un arrive dans 10 min.

 

Arrive donc un garde du parc, qui plutôt que de se moquer de nous – on n’était pas fiers quand même – nous dit que lui passe la nuit ici, et que si jamais on n’avait pas pris assez de temps pour visiter, on peut faire demi tour et prendre notre temps. Je vous jure que c’était très sérieux, et ce n’était pas du tout du second degré. La gentillesse canadienne continue sans cesse de nous étonner.

 

Bref on a remercié notre interlocutrice de l’office du tourisme et on est repartis direction Trout Brooks et Salmon River Road où on repère sur la carte un coin à pique-nique, donc un potentiel spot pour la nuit.

Sauf que voilà, rien ne s’est passé comme prévu, mais alors rien du tout. On a bien profité le long de la route d’un sublime coucher de soleil, qui oscillait entre nuage de pluie se gorgeant du rose du soleil, nuages gris, moutons sur la Mira River. La scène est dramatiquement belle. Bon on a aussi perdu un morceau de carter en plastique protégeant l’aération du frigo, suite à un violent coup de vent et à une branche assassine. Histoire de bien compléter la journée !

On passe donc l’endroit potentiel de notre spot pour la nuit sans rien trouver, ni même rien voir, alors on continue bien décidés à trouver quelque chose. Sauf que voilà, on a beau avoir deux cartes dont une achetée localement on s’est très vite retrouvé dans le pétrin.

 

On a continué jusqu’à Victoria Bridge, où nous avons été obligés de continuer tout droit, puisqu’à gauche, ça nous faisait passer sur un pont, qui, bien que nous paraissant assez haut pour notre RV, faisait pile poil la hauteur maximum que nous avait écrit la dame de Fraserway sur un post-it. On n’a pas osé, alors on s’est engagé sur le chemin de terre qui continuait tout droit.

A ce moment là, nous savions où nous étions, et où nous allions. Plus ou moins. La nuit s’est mise à tomber, la route à devenir une piste, et quand je dis piste je suis suuuuuuuper gentil. Parfois d’à peine la largeur d’un 4×4, avec des nids-de-poule dignes du Gouffre de Padirac, des flaques d’eau, des saignées, de la boue. On avait l’impression d’être sur un bateau en pleine houle plus que sur 4 roues.

 

On a commencé à flipper de ne pas savoir où on allait, de ne pas savoir où on s’enfonçait, ni même si nous étions dans la bonne direction. La nuit noire nous enveloppait, on avait les fesses qui faisaient bravo, on avançait à 20 km/h, et quand il y avait des croisements on n’avait aucune idée, mais absolument aucune idée d’où nous allions.

 

Alors qu’on était à deux doigts de craquer, de trouver un réseau internet quitte à se payer du hors forfait de malade, ne serait ce que pour se repérer via Google, on s’est rendu compte que bien sûr, on ne captait rien du tout. Par chance, Monsieur Ford a décidé d’installer dans ses F-350 une boussole. C’était notre seule indication, les yeux rivés au NW (Nord Ouest) au SE (Sud Est) sur le tableau de bord, on a essayé de faire au mieux dans nos choix aux intersections, ou tout du moins de faire au moins pire.

 

Je ne vous raconte pas la conduite dans ces conditions dantesques, à faire gaffe au poids, au gabarit, au gîte du véhicule, à éviter les trous mais en voulant tout même aller vite pour se sortir de cet endroit.

 

On a flippé, balisé, gueulé, j’avais les jambes en coton et ça pendant plus d’1h30 pour parcourir une trentaine de kilomètres. Apercevoir une maison, une lumière était notre plus grand souhait. Au lieu de ça, nous avons croisé un vieux camping-car tout feux éteints, vide, abandonné sur le bas côté. Tout ça la veille d’Halloween, quand Radio Canada diffusait dans l’ordre, un reportage sur les zombies et un second sur les maisons hantées. Ambiance.

 

Au bout d’1h et demie on a croisé un véhicule qu’on a arrêté, et je ne peux vous dire ô combien j’étais content de les voir. J’ai sorti mon plus bel anglais, expliqué la situation, dire qu’on était perdus, que cette p****ain de route de North Framboise Road était “quite tough”. Bref il nous remis dans de bons rails, nous a expliqué que d’ici 10 minutes dans cette direction, tout droit, nous serions de nouveau sur la route en bitume. Alléluia !

 

On a avalé les derniers kilomètres de piste, retrouvé le bitume, et décidé de quitter Framboise et de pousser jusqu’au bled de Fourchu. J’avais envie de route, de villes, de lumières, même d’autoroute juste pour me faire sortir de cette piste oppressante.

 

On est enfin arrivé à Fourchu, on a vu de la lumière, on est descendu prendre l’air, fumer une clope et respirer un grand coup. On a vu des phares au loin et on a été voir.

 

Y’avais pas mal de voitures garées devant une maison, j’ai baissé la fenêtre et avec mon plus grand sourire, j’ai demandé « Vous savez où on peut se poser pour la nuit ?», et là un monsieur pas tout jeune m’a répondu « On vient de finir une partie de Bingo, attendez que les gens s’en aillent et vous pourrez vous poser ici ». On était devant le Community Hall, la Salle des Fêtes. On était sauvés.

 

On a attendu que les gens s’en aillent, on a quand même été demander si c’était possible de se garer là pour la nuit, on nous a répondu « Oh yeah ! ». Dehors, bien qu’au milieu des lampadaires, du phare, et du spot de la Salle des fêtes, le ciel était gorgé d’étoiles, la voie lactée se voyait à l’œil nu et la Grande Ourse ne m’avait jamais paru aussi lumineuse. Il vente, il pleut, mais je m’en fous, nous sommes sauvés.

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