Embarquement immédiat
Embarquement immédiat
Après un vol long retardé de 2h pour une sombre histoire de voyant de toilette défectueux (sic), 6 films à deux et un journal plus tard, on a donc atterri relativement tard à l’aéroport de Montréal Trudeau. Premier passage de douane internationale, premier coup de tampon sur le passeport.
On a pu ressortir, humer cet air canadien si nouveau pour nous, nous imprégner d’une nouvelle culture, entendre de nouveaux accents, voir de nouvelles voitures, comprendre un nouveau système. Et puis on a essayé de passer le temps, de tuer le temps au beau milieu d’un aéroport qui commençait à passer en mode « nuit ».
Les paupières lourdes, très lourdes, on a attendu patiemment devant la porte d’embarquement A49 l’arrivée de notre petit Embraer d’Air Canada. Le retard à Roissy a eu ça de bon, que l’escale de 6h fut considérablement raccourcie et par conséquent plus agréable.
On a grimpé dans notre petit zinc aux deux rangées de deux sièges, où la carlingue paraissait aussi épaisse qu’une feuille de papier à cigarette, et le pilote a bravé les nuages. Nous, on a fermé les yeux, rattrapés par la fatigue, le jet lag, on n’a absolument rien vu de l’1h10 de voyage. On a de nouveau changé d’horaire, et nous sommes enfin arrivés à Halifax sous un crachin canadien, et un vent à décorner les orignaux.
Les jambes en coton, la gueule enfarinée, on a filé droit à l’hôtel de l’aéroport, qui nous a accueilli à bras ouverts pour une courte nuit réparatrice dans un cadre moderne et agréable. On a sombré dans les bras de Morphée sans même demander notre reste.
Ça c’était pour le premier jour.
Le lendemain, légèrement plus frais mais guère plus, un œil sur la piste de l’aéroport on a pris nos marques pour enfin réaliser que nous étions sur un nouveau continent, dans un nouveau pays pour un nouveau voyage.
On est descendu au bar de l’hôtel, les enceintes crachaient une chanson de Zaz, on était à peine dépaysés. Après s’être enfilé un expresso presque européen, un monsieur de Fraserway, le loueur de notre RV est venu nous chercher, on a taillé le bout de gras pendant tout le trajet, on s’est rendu compte que le Canada avait encore son joli teint d’automne, on a parlé géopolitique, de ses cours de français, bref de tout et de rien pour faire passer le temps.
Je vous passe les détails sur le petit tour du RV, sur le fait que contrairement à ce qu’on avait prévu il était « winterized », ce qui voulait dire qu’on allait s’asseoir sur les toilettes (façon de parler), sur l’eau, l’évier, la vaisselle et tout ce qui va avec. Nous qui étions tellement contents d’avoir enfin des toilettes dans un van ! On a discuté un peu avec les gérantes, moi pendant ce temps j’apprivoisais du regard notre nouveau chez nous, on monstre de 3m de haut, long de plus de 6m. Et dire que c’est leur plus petit modèle…
On a pris la route, je peux vous dire que je ne faisais pas le fier, un gabarit d’armoire normande, mais au beau milieu de la faune que composent les routes nord-américaines, on passait presque inaperçu. Ce voyage on l’a monté dans une organisation totalement différente des précédents, du coup on ne savait pas trop par quel bout le prendre. Quand on se retrouve dans ce cas, généralement, on fait en sorte d’uniquement planifier le premier jour, histoire de savoir où aller pour ensuite enclencher la machine. Un peu comme pour écrire un article ou un bouquin. Une fois qu’on a la première phrase, c’est toujours plus facile d’enchaîner derrière.
A quelques jetées de cailloux d’Halifax, se trouve Peggy’s Cove. Un petit village de pêcheur d’à peine 45 habitants encore préservé dans une sorte de naphtaline. Peggy’s Cove a aussi la chance d’abriter le phare le plus photographié du monde. Lieu du plus gros embouteillage de toute la Nouvelle-Écosse, du fait des cars à touristes, en été, on ne peut le nier, ce village a de la gueule car totalement préservé. Pas de furoncles architecturaux en raison d’un plan d’urbanisme hyper contraignant destiné à préserver le village.
Au milieu d’une lande où alternent les petits sapins, et les rochers de granit comme lacérés, l’endroit vaut le détour. Alors on a suivi la masse, on a pris une dose de vent, d’embruns, de mauvais café et de touristes. Quasiment les même photos que tout le monde, on a grimpé sur les rochers, suivi le dédales de flaques d’eau et profité du lieu, pour se faire la même réflexion : « C’est beau ».
Ah oui et comme on aime bien le faire, j’ai appelé ma Môman pour qu’elle puisse voir son fils au travers d’une des nombreuses webcams que possède la région. Du coup, même avec le décalage horaire, elle a pu nous voir en bonne santé, en quasi direct, plantés devant le phare de Peggy’s Cove.
Peggy’s Cove doit en partie sa notoriété au peintre William deGarthe qui passa plusieurs printemps à peindre le panorama et les gens du coin, donnant un coup de projecteur sur ses fameux rochers basaltiques.
Mais Peggy’s Cove ne serait rien sans son phare, point d’orgue de la Lighthouse Road, posant fièrement à l’entrée de la St. Margarets Bay. Son aspect à bien changé au fur et à mesure des années et la version visible aujourd’hui date des années 1950. L’ancienne maison de bois servant d’habitation pour le gardien fût emportée par l’ouragan Edna en 1954.
On est descendu plus bas dans le village, pour s’imprégner du lieu qui par chance, était beaucoup moins fréquenté que le phare en lui même. On a commencé à voir nos premières nasses à crabes ou à homard, qu’on verrait par la suite, chaque jour sur chaque bordure de route, sur des annonces dans les stations services. Ces nasses pourraient à elles seules résumer l’essence même de la Nouvelle-Écosse : la pêche.
Peggy’s Cove est un petit bijou encore préservé dans son écrin, encore plus hors saison, et encore plus sous le soleil. On a donc descendu l’artère principale admirative devant ces bicoques au bois patiné, élimé, râpé, écaillé. Moi l’amateur de vieux, d’ancien, j’étais comblé. Moi l’amateur de la Mer, j’étais aux anges. On avait l’impression que le temps s’était arrêté et cette atmosphère léthargique collait plutôt bien à la nôtre, encore dans les vapes du décalage horaire, du lever aux aurores réalisant petit à petit que nous étions de l’autre côté de l’Atlantique.
Les maisons sur pilotis, les vieux rafiots en cale sèche, les coques en fibre de verre à l’air libre, un os de baleine devant une boutique, des os de pinces de King Crab derrière une vitre, un cormoran bien nourri qui prenait l’air et le soleil comme le ferait un chat dans les rues de Malte.
Bref Peggy’s Cove a du charme, beaucoup de charme, qu’il est je pense fortement préférable de découvrir hors saison, sous peine de frôler la crise d’agoraphobie.
On a gentiment repris la route, alors que nos ventres commençaient à sérieusement crier famine, et nos jambes à mollir. Et on a repris la route, enchaînant Indian Harbour et Hackets Cove. Hackets Cove, on a fait demi tour fissa pour retourner sur nos pas et s’arrêter au Finer Diner. Notre premier Diner. La pancarte « fresh lobster rolls », nous a convaincu qu’il fallait s’y arrêter. On a poussé la porte, accueillis par un charmant « Hi, how are you today ? » (Oui le canadien, ou l’habitant de la Nouvelle-Écosse, est plus que chaleureux dans son accueil), le tout accompagné par un sourire à vouloir instantanément sa carte de résident canadien.
Avec une vue sur St. Magarets Bay, on a mangé nos club sandwichs au homard, son coleslaw et ses frites maison, et on s’est dit qu’on allait très vite tomber amoureux des coutumes culinaires locales. Un délice, un régal, une merveille, un bonheur. Quand voyage et découverte culinaire s’accordent de cette manière, la vie devient un délice. On est passé outre la Pumpkin Pie, Halloween approchant oblige et on a repris la route.
En parlant d’Halloween, ici tout le monde s’y met. Des vendeurs sur le bas-côté de la route, aux jardins de maisons décorés de fausses tombes, de linceul ou de faux fantômes virevoltant dans les bourrasques du vent. On pense d’ailleurs sérieusement à acheter notre citrouille pour l’évider et la poser à l’arrière du RV quand on stationne. C’est vous dire.
Et puis, premier jour oblige, on a décidé d’écourter la journée, pour faire le plein, faire les courses, appréhender de nouvelles enseignes, de nouveaux prix, de nouvelles habitudes culinaires. Après s’être perdus dans la zone commerciale de Lower Sackville, on a trouvé notre bonheur, fait le plein et on a filé au camping KOA de South Uniacke en face du Lewis Lake. On a voulu garder cette même habitude qui nous suit depuis l’Écosse, à savoir trouver un camping le premier soir, histoire d’avoir le temps de recharger les batteries, ranger les affaires, prendre nos marques en quelque sorte.
Cachés au milieu des bois, mais le long de la route tout de même, on a posé le monstre sous les grands pins à la lueur de la frontale. Autour de nous quelques campeurs font des feux de bois, ça sent les aiguilles de sapin. On est plutôt pas mal.
Bon par contre le thermomètre est sérieusement descendu, il bruine par moment, et la fatigue nous gagne. Alors on s’ouvre une petite bière locale, une Hunky Dory Pale Ale, on mange léger, et on regarde comment continuer le voyage tranquillement demain matin. La belle routine du road trip est en marche.
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