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Podcast de voyage

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Et voilà, c’est donc notre dernier jour, le voyage touche à sa fin. On ne saurait trop dire pourquoi mais il nous paru passer à une vitesse grand V et pourtant le Nordkapp nous paraît déjà si loin. Même lorsqu’on compare à nos précédents voyages au nombre de jours équivalent, nous n’avons jamais eu ni ressenti cette sensation d’avoir laissé filer le temps.

Dehors alors que nous commençons à nous activer le soleil tente de percer, mais ce n’est sans doute pour pas très longtemps. Lorsque je sors à vue de (poil) de nez – voir jour précédent – je dirais que le mercure tape dans les -12/-14°c ce que me confirmera le thermomètre de la voiture.

 

Nous nous posons quelques instants pour savoir si nous n’irions pas jusqu’à Enontekiö voir Céline, mais ça nous rajoute plus d’une centaines de bornes à la plus de centaines qui nous attend déjà. On tente avec notre maigre wi-fi de lancer une bouteille à la mer, mais qui reste sans réponse. On se rend compte que ça va nous faire avaler beaucoup de kilomètres surtout que l’on compte virevolter de route en route puis tenter la visite du musée d’Alta.

 

Nous en profitons pour faire les dernières courses de bouffe dites souvenirs, de faire un plein d’essence et de passer par le parking des locaux de NRK Sapmi pour, depuis la webcam qui se situe en face, faire un coucou en direct à mes parents à plus de 2000 kms de là.

Nous prenons donc la route, là-haut le soleil s’est de nouveau caché sous un voile laiteux, la luminosité est étrangement forte, les paysages lissés par des tons de gris d’où se détacheraient un peu de bleu.

Nous décidons de faire crocher par Máze parce que j’avais envie de voir cette petite communauté dont j’avais entendu parler par deux fois. Premièrement il s’agit du village de Slincraze, rappeur sami dont j’avais fait la découverte en 2013 en retournant internet afin de voir si le milieu hip-hop avait fait une incursion chez les Samis. Ce rappeur d’ailleurs jouit d’une popularité en pleine ascension faisant même partie d’un documentaire sur les rappeurs du Nord de l’Europe.

 

Mais Máze c’est aussi le village où la photographe Céline Clanet à passer du temps en immersion dans cette communauté d’éleveurs de rennes d’où elle en a ressorti une magnifique série de photos éditées dans un livre.

Máze ne devrait plus exister si le projet de barrage du gouvernement norvégien avait abouti selon sa première mouture. En effet, il était prévu que cette communauté soit ensevelie par les eaux. Les Samis se sont alors organisés, ont protesté de manière pacifique et variée.

 

Concerts, grèves de la faim, représentation de joik, manifeste en plusieurs langues (dont il est possible de voir des exemplaires dans le musée d’Alta, voir plus bas). Máze a résisté, et Máze est toujours là, avec ses maisons au bois rongées par le temps et les saisons.

Máze et sa belle église en bois noir qui trône fièrement et où les places de parking sont réservées au pasteur et à l’organiste et qui doit bouillir de monde quand arrive Pâques et les célébrations, les baptêmes, les mariages, se remplissant ainsi de costumes rouges, bleus vifs, ces Gàkti, cet habit traditionnel same.

 

On reste un petit moment, les pieds dans 20 cm de poudreuse à regarder la neige tomber sur le paisible village de Màze.

En ressortant pour rejoindre la route principale, on essaye de trouver une route repérée sur la carte qui fait un tracé à peu près équivalent au nôtre. Sauf que le seul chemin que l’on trouve n’est pas dégagé et impraticable.

 

Plus loin du côté de Suolovuopmi, on avise la route, la même qui retraverse. Elle se nomme Bæskades. Historiquement il s’agit de la première route reliant Alta à Kautokeino, l’une des premières routes en Norvège à avoir été construite à l’aide de machine entre 1928 et 1939. Initialement c’était une route postale qui traverse le Viddà, l’immensité du grand rien propre à cette circumpolaire.

 

Désormais Bæskades est surtout une route de migration des rennes qui l’empruntent pour rejoindre la côte durant l’été et y font une halte en automne et au printemps. La route a la particularité d’être signalée par une multitude de cairns portant une planche et une flèche pointant la direction d’Alta, histoire de pouvoir se repérer durant l’hiver.

On se renseigne en voyant un petit vieux, qui nous dit que non, la route est impraticable, qu’on peut bien tenter si le cœur nous en dit et voir ainsi combien de kilomètre on pourra traverser dans la poudreuse avant d’être bloqués, tentant ainsi d’établir un nouveau record. On s’abstient, n’ayant pas envie de faire la une des journaux demain matin !

Contraints de reprendre la route principale nous continuons donc l’E6 plein nord. Au fur et à mesure que nous nous rapprochons d’Alta et longeant une rivière qui parfois se transforme en lacTrangdalsvatn – nous voyons de plus en plus de grosses maisons. Sans doute les maisons de vacances ou de week-ends de la bourgeoisie d’Alta.

Mais quand la route arrivée au bout du lac, commence à s’enfoncer parmi les fjords et les montagnes et à serpenter au milieu de ses dernières, elle devient époustouflante de beauté, de magie, d’immensité, de grandiosité.

 

Les montagnes vous happent, vous entourent, vous protègent, tout en tentant de vous attraper à la fois. C’est diablement beau.

Arrivés à Elby, le paysage change radicalement, nous traversons alors une grande forêt de pins sur un terrain complètement plat. Arrive enfin Alta.

Si la montre nous le permet nous avons décidé de pousser plus loin sur la côte, quasiment au bout de l’Altafjord, après Talvik, peut-être même jusqu’à Isnestoften. Mais alors que l’on s’engage sur la route, nous tombons tout juste sur le panneau du musée d’Alta. Comme nous avons – par manque de chance mais pas uniquement – loupé pas mal de musées, nous bifurquons afin de nous renseigner sur les horaires.

 

Fermeture 15h, il est 12h45, on décide alors de casser la graine sur le parking, avouez qu’il y a plus glamour, histoire d’avoir le temps de faire le musée, et de bouger par la suite.

 

Le musée est un must-see, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, il est à ne pas louper. Connu intrinsèquement pour ses pierres et ses peintures rupestres, sachez qu’en hiver, il faudra faire une croix dessus, puisque, habituellement, la déambulation s’effectue en extérieur. Mais le norvégien sachant s’adapter baisse le prix de l’entrée hors saison, ne lésant pas le visiteur.

 

Vous devrez donc vous rabattre uniquement sur les salles intérieures, ce qui en soit est déjà extrêmement complet. La seule chose que l’on pourrait reprocher c’est peut-être le manque d’indication dans la manière et le sens de visiter le musée.

Mais ça commence par une classification par périodes, expliquant l’évolution des symboles et des dessins découverts, l’histoire de la découverte de ses rochers peints, les techniques. Beaucoup d’hypothèses sur l’interprétation des symboles qui sont bluffants de réalisme et de stylisation – mention spéciale aux élans – mais en soit, ce n’est pas plus mal, pas de point de vue historique imposé, ici on laisse libre à chacun de se faire un avis.

 

Une scène de danse, de chamanisme, de célébration ? Libre à vous d’y voir ce que vous voulez y voir et de faire votre propre histoire dans votre esprit.

C’est aussi intéressant de constater à quel point ces morceaux d’histoire ont été découverts très tardivement et que, clairement, tout n’a pas encore été retrouvé. Si comme moi, vous êtes un tantinet dubitatif, voir légèrement estomaqué par la surimpression en rouge de ces vestiges séculaires, sachez que c’était – ce n’est pas moi qui le dit mais un panneau – une pratique courante (sic) à l’époque en Scandinavie, mais que par chance cela à tendance à disparaître.

 

En plus des peintures à l’intérieur du musée, on découvre aussi des vestiges de silex, de morceaux d’armes, mais aussi des reconstitutions d’embarcations créées par un ingénieux système de structures en bois, recouvertes de peaux de phoques tannées.

 

Certaines pierres rupestres, de taille parfois gigantesque trône encore au beau milieu du jardin d’un particulier, regorgent de motifs, de manière un peu aléatoire et bordélique, sans vraiment de sens, enfin pour nous, plus de 10 000 ans après.

 

Le musée en adéquation à ces peintures, ou peut-être dans une juste continuité temporelle et chronologique, mentionne énormément les croyances des samis, avec la reconstitution d’un ancien tambour – la majorité ayant disparu, détruit pendant la christianisation forcée ou pendant l’incendie de Copenhague – sans doute utilisé par les chamanes pour communiquer avec l’autre ou les autres mondes. Très bonnes explications des figures récurrentes et emblématiques, que l’on retrouve souvent dans la mythologie same.

On y parle aussi des Kvènes dans ce musée – déjà évoqués dans ce même carnet, lors du passage à Bugøynes – du travail de l’ardoise, propre à la région d’Alta.

Toute une salle est aussi consacrée à l’histoire des aurores boréales, oubliez les énièmes explications scientifiques, non, ici on parle histoire, histoire de la première photographie, histoire des premières observations, et de l’observatoire de Bossekop où pendant des années plusieurs familles vivaient.

Pour terminer, il est aussi fait mention des heurts et des révoltes contre le projet hydroélectrique d’Alta dont nous avons déjà parlé plus haut. Des manifestes, des affiches, des badges ainsi que d’autres documents sont exposés.

 

Avec en prime au travers des différentes fenêtres une vue toujours aussi époustouflante sur le fjord d’Alta.

Et pour rapidement conclure, on pourrait aussi vous parler de la salle au sous-sol, qui parle de ski et de pêche au saumon, mais n’étant pas la cible, nous sommes totalement passés à côté, et enfin la tout dernière salle qui met en avant des objets sames assez rares, retrouvés et exposés dans le cadre d’un programme visant à rapatrier et à répertorier des objets de la culture sames disséminés dans le monde.

 

Sachez que vous ne pouvez pas passer à côté de ce musée, ne serait-ce que pour sa vue à couper le souffle sur le fjord, surtout quand celui-ci commence à se parer des couleurs du crépuscule.

Justement, fort de cette vue, et voyant le ciel uniquement constellé de quelques petits nuages, le rose et le bleu pastel se mélangeant, on a sauté dans la voiture et on a filé le long de la côte en direction d’Isnestoften, le bout de la pointe, de la presque sortie du fjord d’Alta.

 

Déjà en roulant le long de la baie et en enchainant pas loin de 12 tunnels (total aller-retour), on voyait et on sentait bien que le ciel se parerait de magnifiques couleurs douces.

Il y a des fois des timings qui frôlent la perfection, sans même le vouloir. Après pas loin de 40 km, nous sommes arrivés au bout, comme une allégorie de la fin de notre voyage, la route s’arrêtait là, sur un ponton de bois.

 

C’était changeant, mouvant, c’était calme et c’était doux. Des bleus glaciers, des roses pâles relevés d’une petite pointe de violet et d’orange. On aurait dit le nuancier PANTONE© Cuvée 2017.

Seule deux corneilles se chamaillaient ne perturbant à peine le bruit du clapotis de l’eau froide venue taper contre les rondins de bois.

On est restés là pas loin d’une heure, sirotant thé sur thé, finissant les stocks de nos gâteaux en vue de faire de la place dans les bagages. On étirait le temps au maximum, profitant de la fin de cette route pour finir les pellicules, pour emmagasiner le maximum de ces paysages dont il est difficile de se lasser, surtout quand la lumière la bénît de ses rayons.

Il aurait juste manqué quelques doux flocons pour terminer en beauté, façon cliché de cartes postales indémodables trônant dans tous les bons musées.

Et puis, il a bien fallu se faire une raison, la lumière déclinait, le rose s’estompait, l’horloge avançait, alors on a repris le chemin inverse, direction notre hôtel en plein cœur d’Alta au pied de la cathédrale. On a déposé les affaires, et on a été ramener la voiture à l’aéroport, presque vide et on est revenus en taxi, parce que les bus et Alta ça fait deux.

On a commencé à ranger les valises, on est sortis voir la cathédrale – fermée, évidemment – et je ne sais pas j’ai été déçu. Je la voyais différente, plus grande, plus majestueuse, mieux située.

 

Elle est là, perdue au milieu d’une sorte de rond point, entre deux grands hôtels pas forcément glamour architecturalement parlant, et au cul d’un centre commercial. Je voyais autre chose, un truc un peu mieux, différent.

 

Construite en 2013 suite à un concours d’architecte, elle a été imaginée pour remplacer ou tout du moins agrémenter l’ancienne église d’Alta. Largement inspirée de la forme des aurores boréales, d’où son nom : Nordlyskatredalen, elle s’enroule autour d’une forme et d’un clocher qui s’envole, pointant le ciel.

Avisant le plan, nos jambes nous guident – en fin de voyage nous ne répondons plus de grand chose – vers le quartier de Bossekop et une petite île au nord. Ca nous donne justement l’occasion de passer devant l’ancienne église et de couper en traversant son vieux cimetière.

 

Dans les pays scandinaves, on a pour habitude d’éclairer les tombes avec des bougies – généralement artificielles – ce qui donne aux cimetières des allures plus chaleureuses que glauques. La lumière est un élément très important dans ces pays, quelque soit la forme qu’elle prend.

Sur le côté de cette avancée de terre, un chantier que nous longeons, on se demande quand même ce que l’on fout là par -12°c, grimpant un monceau de rochers et au pied d’un tractopelle. La vue a au moins le mérite d’être dégagée, et pointe alors dans le ciel une toute petite aurore, perceptible à l’œil nu par l’œil avisé.

Forcément je n’ai pas mon trépied alors je me démerde comme je peux, improvisant un truc avec mon sac photo. Calmement, elle prend un peu d’ampleur étant aussi visible face à nous que dans notre dos. Malheureusement derrière nous, mais c’est la partie au-dessus de la ville, donc autant oublier.

On rentre, bien décidés à ressortir si le ciel se dégage un peu plus et si l’indice s’énerve, sur le chemin du retour je remarque un filet d’aurore, le long de la cathédrale éponyme.

Nous continuons la valise, avalons ce que l’on peut au restaurant de l’hôtel et décidons de ressortir. Sauf que voilà, on aura beau attendre, et attendre, les nuages ne bougeront que peu, les aurores ne seront qu’à peine perceptibles derrière les nuages.

Il faut bien se rendre à l’évidence, Dame Nature ne nous offrira pas de dernier cadeau avant notre départ. Taciturnes, nous retournons terminer la valise, nous couchant plus tard que prévu. Il nous reste une courte nuit d’à peine 4 heures et demain nous serons de retour à Paris, marquant ainsi, la fin de ce voyage.

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