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Podcast de voyage

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C’est sous une belle purée de pois que nous nous réveillons à Utsjoki. Dehors il neige en abondance, des petits flocons bien collants, bien épais qui recouvrent tous les alentours d’un tapis, presque comme de la moquette. La température extérieure a considérablement augmenté puisque nous sommes quand même passés d’un -14°c à un -2°c.

Ce qui donne une neige qui se transforme vite en petites gouttelettes sur la voiture. C’est marrant, nous avions eu sensiblement la même chose sur le chemin du retour de Kiruna en 2012, où la neige fondait à vu d’œil, chutant des arbres au moindre coup de vent.

C’est donc sous notre première tempête de neige de la journée que nous attaquons la route qui continue de longer la rivière Tana. Cécile n’est pas d’accord avec moi, mais je me rends compte que les paysages de rivière en hiver ne sont pas ceux que je préfère. Les routes suivent de longues et larges trainées blanches, le paysage n’est du coup pas forcément le plus distinct, ni le plus varié.

Néanmoins après avoir passé quelques kilomètres au milieu du purée de pois, d’un vent, et d’une neige plus qu’abondante, nous sortons de ce maelström pour apercevoir une ouverture de bleu dans le ciel d’où perce le nuage.

 

C’est la première fois que nous l’apercevons de la journée, et ce sera sans doute l’une des dernières mais nous ne le savons pas encore.

Le nez dans le guidon et la tête dans le gaz, les kilomètres légèrement monotones ont tendance à me faire piquer du nez, bien que nous prenons le temps de faire deux ou trois arrêts afin de se revigorer à l’air frais et au vent parfois cinglant.

Arrive enfin Karigasniemi, le point frontière, seul point d’ailleurs, depuis Utsjoki où nous pouvons de nouveau traverser – en voiture – la frontière avec la Norvège. Nous nous y arrêtons, au départ pour un simple café, accompagné d’une petite collation – succulent gâteau pomme-cannelle et un fourrée feuilleté à la crème – et refaire quelques courses avant de retrouver les prix norvégiens.

 

Sauf que caller dans ce petit grill, restaurant qui fait aussi office de café, et vu surtout qu’on va perdre une heure – en repassant en Norvège – il est déjà l’heure de manger. Karigasniemi nous rappelle un peu Kaaresuvanto où nous nous étions arrêtés deux fois pour déjeuner en 2012. Une route, quelques commerces, souvent et toujours une station service et un pont qui enjambe la frontière naturelle.

 

Il ne faut pas beaucoup nous pousser pour qu’on se décide à manger là – attendant qu’un car de touristes italiens assez mal élevés libèrent les lieux – tellement l’atmosphère y est agréable.

J’aime ce genre de lieu, de point de passage, de frontière. Les stations services sont souvent des lieux de vie sur la route, plus qu’on ne l’imagine. Ce sont des endroits de convergences, que ce soit pour les routiers, pour les gens du coin dont c’est souvent la promesse de trouver de quoi faire des courses, de quoi croiser du monde. Les petites annonces, les casiers, les journaux, tout ça sont des signes qui ne trompent pas.

 

Nous nous plaçons près de la fenêtre, loin du monde, et attendons notre Lohikeitto – soupe de saumon à la crème et mon filet de renne en observant les jeunes revenir d’une balade en moto-neige. Bref la vie de tous les jours ou plutôt d’un samedi après-midi à Karigasniemi se déroule sous nos yeux.

 

Accompagné d’un verre de Koff, nous dégustons sans nous faire prier nos plats, tout en admirant la collection impressionnante de photos du lieu, de Karigasniemi à travers les âges et les années. C’est comme un livre ouvert.

Et voilà, il est temps de passer pour la 6e fois la frontière finno-norvègienne et de filer en direction de Karasjok. Cette ville est bien connue des Sames puisqu’elle abrite le parlement same, le Sámediggi, une école d’art same. C’est le centre névralgique, politique et culturel de la population same de Norvège. Sauf que voilà – et c’est là que sont les limites de ne pas toujours tout organiser en amont – nous sommes Samedi, et le samedi tout est fermé. Que ce soit les commerces, les boutiques, les musées, rien n’est ouvert le week-end en hiver. Manque de pot pour nous.

C’est donc sous un ciel extrêmement bouché que nous prenons, tout de même, le temps de déambuler le long du parlement, ne serait-ce que pour admirer la beauté du bâtiment, primé pour son architecture. On ne peut pas s’approcher beaucoup à cause de la neige, mais sa forme significative et emblématique, inspirée des Lavvu traditionnels des samis est assez plaisante à regarder.

Malheureusement nous devons faire une croix sur sa visite, ainsi que celle de sa bibliothèque qui, au dire de nos amis, vaut clairement le détour.

Nous décidons de redescendre dans les ruelles de la ville – d’ailleurs bien plus étendue et grande qu’on ne se l’était imaginée – pour aller voir à quoi ressemble la nouvelle église, forcément fermée, nous regardons à l’intérieur quand l’un des pasteurs apparaît de nulle part pour nous demander si nous voulons rentrer la regarder.

On répond par l’affirmative, lui demandant tout de même si cela ne le dérange pas. Un peu comme à Enontekiö par le passé, nous avons l’église rien que pour nous. Elle aussi est inspirée par un habitat traditionnel des samis, différents du Lavvu.

 

De forme ronde, en décalé de la porte d’entrée, et éclairée de manière circulaire par des rampes de vielles ampoules à filaments, nous admirons ce lieu plein de chaleur d’où on ne peut nier qu’il s’y dégage quelque chose d’assez fort.

On discute un peu avec le pasteur, qui nous explique que les samis préfèrent des liturgies assez traditionnelles comme on leur enseignait par le passé et qu’il arrive parfois que des joik retentissent dans l’église. Je ne peux qu’être admiratif de ce savant mélange entre l’animisme et le catholicisme, entre le païen et le sacré.

Nous laissons le pasteur à ses activités et reprenons la route pour retraverser le pont de la rivière Tana. Malheureusement le magasin de Duodji et de couteau sames dont nous avait parlé Léon est fermé lui aussi un samedi. Nous tentons d’aller voir l’ancienne église qui fait face à la nouvelle, de l’autre côté la rivière.

 

À la vue du tas de neige devant l’entrée principale, nous comprenons vite que celle-ci n’est clairement plus utilisée, en tout les cas pas en hiver. Peut-être uniquement pour des célébrations bien particulières.

Nous prenons un petit café, sous la tempête de neige, qui nous bouche la vue et avale les montagnes avoisinantes d’où l’on aperçoit uniquement les lampadaires qui longent la petite piste de ski.

 

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous faisons quelques centaines de mètres pour aller check-in à notre hébergement du soir qui se situe dans le camping de Karasjok. Le temps de récupérer les clés, le propriétaire nous affirme que vers 20h le ciel devrait se dégager. Bon, là tout de suite, autant vous dire qu’on n’y croit pas du tout.

Nous déposons les affaires dans le chalet, et essayons de faire quelques kilomètres de plus pour trouver un spot où nous serions à l’abri de la pollution lumineuse si les prévisions venaient à s’intensifier. Malheureusement chaque petite route, ou chemin que nous empruntons mène à des maisons – charmantes au demeurant – et devons vite nous rendre à l’évidence : Karasjok est vraiment, mais vraiment plus étendue que nous le pensions.

 

Sur la route la visibilité devient exécrable, les essuie-glaces ont gelé, le neige tombe drue, de face, et même avec les phares il est quasiment impossible de voir quelque chose.

 

C’est donc la queue entre les jambes que nous retournons à notre hébergement, pour enfin écrire ses quelques lignes et se poser afin de reprendre de la force avant une éventuelle sortie du soir.

 

Je vous laisse une canette de Karjala m’attend.

 

Comme quoi, il est toujours bon de se fier aux conseils des gens du crûs. Au bout d’un moment, pendant que l’on mangeait, la tempête s’est calmée, la neige s’est arrêtée de tomber et le ciel s’est dégagé.

 

Après nous être correctement rassasiés, nous sortons une tête dehors. Les poils de nez frisent – on a jamais réussi à trouver une autre expression que celle ci pour exprimer cette sensation – signe que la température a du chûter.

 

Le ciel est magnifiquement étoilé, généralement quand je regarde le ciel j’ai quelques points de repères, les premières étoiles que je cherche sont la Ceinture d’Orion et le W de Cassiopée. Et là, sous mes yeux, avec pourtant les lumières du camping et des autres chalets, jamais la Ceinture d’Orion ne m’est parue aussi claire, je distingue sa forme complète, chose qu’il est assez rare de voir.

 

Nous rentrons nous mettre au chaud, bien décidés à chercher un spot pour les aurores, mais vu que Karasjok nous semble plus étalée que prévu, nous nous aidons de Google Maps et surtout du site Dark Site Finder  pour y voir un peu plus clair, enfin non, plutôt l’inverse.

 

La route que l’on voulait tenter tout à l’heure, enfin plutôt la seule que nous n’avons pas tentée, semble être une piste plus que prometteuse. Ni une, ni deux, nous sautons dans la voiture, enfin presque.

 

Les gouttes qui s’était déposées sur le pare-brise par -2°c, plus la neige tombée dessus, plus la température qui a chuté, résultat il nous faut gratter et user d’huile de coude pour dégager de la visibilité. Et même avec nos quatre bras réunis, ce n’est pas suffisant pour dégager.

 

Le résultat annonce -18°c et nous nous doutons bien que plus nous allons nous éloigner de la ville, plus la température va chuter. La route s’étire au début avec quelques lampadaires puisque nous traversons une zone pavillonnaire, et puis vient le dernier lampadaire et la nuit noire. Même en roulant avec les pleins phares, les étoiles sont plus discernables que d’ordinaire. -21°c, la température chute quand nous trouvons notre premier spot.

 

Le long de la rivière dans un arc de cercle presque parfait une trace, puis deux, certaines difficilement observables à l’œil nuit et un arc assez net et précis se dessine dans le ciel.

Ca part au-dessus de la route et le flanc gauche près de la rivière est obstrué par des arbres. Je fais comme je peux avec mon trépied, pas toujours simple d’avoir le bon angle d’inclinaison.

Nous passons plus de temps à les observer à l’œil nu que d’en prendre des photos, tant le spectacle nous absorbe.

On reste bien trois quart d’heure à observer le spectacle et quand on commence à vraiment avoir froid au bout de nos extrémités et tandis que l’aurore semble se calmer, on décide de pousser plus loin pour voir, pour s’éloigner un peu plus des lumières de Karasjok.

 

La température continue de chuter – elle descendra jusqu’à -24°c – tandis que, nous enfonçant encore plus dans la route, nous trouvons un spot parfait, juste en face de ce qui semble être le point de départ de l’aurore. Point de départ dont on a beaucoup hésité quand à savoir s’il venait plutôt de l’est ou de l’ouest.

Nous sommes pile en face, la pollution lumineuse est loin, la vue est proprement dégagée, mais l’aurore se calme. Cela dit le spectacle est tout autant face à nous – côté aurores – que derrière nous tant les étoiles resplendissent de milles feux et nous paraissent claires comme rarement nous avons pu les voir.

 

J’en profite alors pour faire ma traditionnelle photo lampe frontale + étoiles + aurores boréales (en bonus) et lorsque je me retourne PAF ! Un énorme final est en train de se jouer juste derrière nous, une explosion, une dance, on se couche sur le capot de la voiture en oubliant de prendre des photos. Elle danse, elle brille, elle luit, elle resplendit, on se dit que ça y’est face à nous c’est le grand bouquet.

Et là je tente un truc, que j’ai toujours rêvé de faire. Une photo à l’argentique d’une aurore boréale. J’y vais au flanc, en m’aidant un peu de l’appareil photo numérique pour me faire une vague idée des valeurs à prendre en considération.

Je fais mon mic-mac la porte de la voiture ouverte, je mets à nu l’appareil, je change le plateau du trépied, je verrouille le déclencheur, je visse le déclencheur souple, je clippe sur le trépieds, je change les réglages, je fous la mise au point à l’infini et je tente des temps d’expositions différentes. À l’heure où j’écris ces lignes je n’ai aucune idée du résultat, c’est ça qui est bon, c’est ça qui est aussi stressant, excitant.

 

Nos extrémités commencent à souffrir, maintenir la pression sur le déclencheur souple pendant une minute me fait ne plus sentir le bout de mes doigts. J’ai aussi du mal à sentir mes bouts de pieds. Nous avalons deux tasses de thé chaud chacun, et dans le ciel l’aurore commence à tirer sa révérence.

Le résultat au retour après développement, ressemblera à des images assez mystiques, presque poétiques. La focale de plus 50mm, les temps de poses assez longs, l’objectif n’ouvrant qu’à f/3.5 et la mise au point approximative, donneront ce résultat que vous pouvez voir ci-dessus.

 

Je pense que rester plus longtemps dans le froid pourrait potentiellement commencer à être dangereux – comme des co…des imbéciles, nous avons oublié les chaufferettes au chalet – et nous décidons de mettre cap sur la base.

 

Arrivés à la maison, les prévisions se sont tues, le thermomètre est à -26°c et nous commencer à peine à nous réchauffer.

 

L’excitation couplée au changement de température, tout ça nous file un sacré coup de pompe, et nous décidons d’arrêter la journée à cet instant T.

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