Yes We Canyons! – Road trip dans le nord de l’Espagne – Part 1

Yes We Canyons! – Road trip dans le nord de l’Espagne – Part 1

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Yes We Canyons!


Road Trip dans le nord de l’Espagne – Aragaon y Catalunya
Part. I

Part. I

de Montanuy à Viacamp y Litera

158 km

Suggestion d’accompagnement sonore :

Lee Dorsey – Yes, We Can – Part I
(Polydor – 1970)

Que dire de plus quand le “Kid Chocolate”, twister invétéré et pape du rythm’n’blues nous délivre là un morceau au titre parfait ? 

J’avais les guiboles comme les poutrelles du Golden Gate, un mal de hanches digne d’une longue journée à chevaucher un fidèle destrier dans les plaines du Montana. Les souvenirs de mon semi-marathon de la veille, mon premier et pas le plus simple, venaient hanter ma charpente osseuse.

Avec les copains de Cherchebruit et avec mon fameux dépanneur en Albanie on avait décidé d’aller voir du pays, de filer plein Est dans les hauteurs de l’Espagne pour un road trip entre Aragon et Catalogne, au beau milieu des canyons à la recherche d’une montagne que l’on croirait être l’échine d’un dragon enjambant des eaux turquoises.

Jour 1

de Montanuy à Tremp

52 km

C’est donc le corps un tantinet douloureux que nous avons quitté mes parents et filé par l’autoroute direction le Val d’Aran. Une vallée isolée lovée dans les bras des montagnes, un carrefour géographique à la forte identité, coincée entre la Gascogne, l’Aragon, le Languedoc et la Catalogne.

Après avoir roulé sur une route effleurant le versant du sommet des Pyrénées : Aneto et ses 3404m, c’est sous un ciel bas, isolé par les montagnes qui nous entourent que nous passons Vielha et sa multitude de petits villages de montagne pour déboucher dans un camping à quelques jets de pierres de el Pont de Suert, notre point de départ.

Bon, ne mentons à personne, nous sommes arrivés bons derniers. Les copains s’étaient déjà installés, avaient déplié les tables et avaient même préparé quelques bières pour nous accueillir. C’est donc autour de quelques douceurs houblonnées que nous avons fait connaissance pour les uns, pris plaisir à se retrouver pour les autres.

L’histoire dit que ce fut une soirée pizza. Mais comment dire ? Des vraies, des faites maison, cuites à la poêle. Cécile ayant préparé les pâtons la veille, ce fut clairement une opération commune rondement menée. Untel pré-découpant la mozza et la tomme, pendant qu’un autre découpait le jambon, un ici pour l’assaisonnement, l’autre là-bas à saupoudrer la farine afin d’étaler la pâte, l’ensemble de la manœuvre sous une humidité rapidement tombée rendant le pétrissage….compliqué.

Tout ça pour dire que comme mise en bouche, on n’aurait pu rêver mieux.

Tozal de los Moros
(1 625 m)

Au lendemain matin, après quelques complications pour trouver quelqu’un capable de nous encaisser et qui soit quelqu’un d’autre que le jardinier du camping, nous enquillons la route avec au passage un premier refill en nourriture à el Pont de Suert.

Et vient le temps des premières pistes – du premier dégonflage aussi -nous voilà plongés au beau milieu des canyons catalans. Une piste en arête pierreuse surplombant la forme caractéristique du Tozal de los Moros, comme un point de repère au milieu de ce paysage de far-west.

Comme il est bon de retrouver le goût de la piste, les réflexes, de se reculer des grands axes pour venir embrasser les collines plissées nous rappelant Harpea, les rivières pas encore gorgées des premières neiges, la végétation dorée tel une tortilla baignant dans l’huile d’olive.

Le temps est certes avec nous, mais chaque coin d’ombre n’est pas sans nous rappeler que l’hiver ne va pas tarder à déloger l’automne. Surgit alors au beau milieu d’une piste en à-pic, la première complication de ce road trip.  Un éboulis monstrueux nous barre le passage à quelques centaines de mètres de retrouver l’artère principale. On échafaude, on élabore, on prépare, on imagine, on concocte quelques bancales hypothèses pour passer outre et grimper ces quelques plaques de pierres qui nous empêchent d’avancer.

Mais quand on voyage en convoi, l’égo se met de côté et c’est la raison générale qui prime, on ne se met pas en difficulté pour ne pas mettre en difficulté le copain. Si l’un ne le sent pas, les autres doivent abdiquer, surtout quand il n’y a pas de déviation à proximité.

Résultat nous refaisons demi-tour, l’occasion de longer de nouveau ce qui sera, malheureusement, une constante olfactive de ce voyage, une énième porcherie industrielle où l’odeur n’est plus nauséabonde, mais tout bonnement irrespirable. Les roues se tartinent d’un mélange de boue et de déjections de brebis.

Nous reprenons la route, un demi-tour, et nos roues se posent le long de la Noguerra Ribagorçana digne un cagnard albanais de plein été. Les mouches elles, envahissent les voitures sans aucun doute attirées par ce parfum délicat qui prend bien le temps de sécher au soleil.

Passons la préparation et l’ingurgitation des casse-dalles, le disque solaire est aussi et surtout l’occasion de faire sécher les toiles, matelas, oreillers encore humides de la nuit passée.

Après avoir passé, ce qui sera une récurrente tout au long de ce voyage, nos premières ruines de village abandonné, nous déroulons une longue piste en lacet qui traverse des forêts nous faisant déboucher sur des promontoires rocheux aux allures parfois humaines.

L’heure hivernale nous rattrapant plus rapidement qu’un cheval au galop nous décidons de nous mettre en quête de notre premier bivouac, après une courte journée d’à peine une soixantaine de kilomètres.

???
(1 334 m)

Nous prenons toujours à cœur le choix de nos bivouacs et cela encore plus quand nous sommes accompagnés et que nous ouvrons le convoi. J’avise donc un petit chemin qui grimpe à flanc d’une colline, sur un promontoire sans nom sur les cartes qui nous accompagnent. Pas besoin de beaucoup tergiverser tant la vue panoramique à 360° qui s’offre à nous met rapidement tout le monde d’accord.

Dans un balai encore un peu rouillé toute l’organisation se met en place, la tente se plante, les tables et les chaises se déplient, les torchons sèchent, les bières s’ouvrent et la popote mijote tranquillement face à un coucher de soleil sublime qui vient découper les chaînes de montagnes dans un ciel magnifiquement doré.

La voie lactée s’invitant pour le dessert, nous laissera quelques clichés et quelques souvenirs mémorables tout autant que les marshmallow que l’on viendra, dans une scène délicieusement clichée, griller au feu de bois.

Jour 2

de Tremp à Viacamp y Litera

106 km

Fraîchement mais assurément, la troupe se réveille en même temps que le soleil qui lui, vient baigner les paysages d’une délicieuse lumière rosée. Il est 6h30, l’air est frais et le thermomètre n’a pas encore chuté jusqu’au point de rosée. Pourtant, ce n’est pas la fraicheur dont on se souviendra mais cette lumière.

J’embarque l’un des mômes avec moi et continue de marcher au loin jusqu’à la crête, jusqu’à l’arrête surplombant à 1 334 m où gambadent quelques animaux difficilement identifiables avec ma vue de myope et d’astigmate. Une biche sans doute. Dire que la vue est sublime ne lui rendrait encore pas suffisamment hommage, tellement les tons et les couleurs sont d’une rare douceur.

Des nuages à la forme de plume viennent virevolter de leur couleur rose dans un ciel au dégradé parfait. Les yeux sont fatigués et tirés, la première nuit est rarement la meilleure et c’est avec une certaine lenteur que nous tenterons vainement de décoller de ce spot magnifique.

Et c’est seulement après nous être saoulé par ce paysage à couper le souffle que nous enquillerons la piste sur les coups de 10h du matin. Oui, oui 10h. Impossible de nous décoller du lieu, comme des gamins absorbés dans une suite infinie de dessins animés.

Et puis soudain, au loin, depuis la piste surgit la silhouette d’un village. Posé sur mamelon rocheux, un clocher découpe l’horizon : Claramunt. Trouver quelques explications sur ces villages abandonnés est une sacré mission que n’aurait pas rechigné le plus fin des archéologues.

Claramunt est un nid d’aigle dont on accède par une rue principale qui enroule la ville, comme si cette dernière souhaitait se retrancher des vents qui la battent et de l’hiver qui la cingle, derrière le rocher qui fait office de soubassement de l’église du – sans doute – 12e siècle.

Situés dans une zone de végétation assez pauvre, les habitants de Claramunt ont survécu comme ils le pouvaient en se basant sur de maigres élevages de moutons et de chèvres, quelques vignes, amandiers et oliviers et un peu de céréales. On raconte que l’on y célébrait deux fêtes : San Père, le 29 juin et Mare Deu de la Mercé le dernier week-end de septembre, dans une ambiance enflammée où les musiciens venaient des grandes villes aux alentours.

Le prêtre y venait une fois par mois, le docteur uniquement en cas de nécessité, le facteur deux fois par semaine, l’enseignant quant à lui vivait sur place. Sauf que pour s’approvisionner ou pour toutes tâches administratives il fallait compter environ 3h de marche pour rejoindre Tremp notamment.

Pas d’accès à l’eau potable, pas de canalisations, la fée électricité alimentait bien les villages alentour mais semblait contourner Claramunt. Puis arriva ce qui devait arriver, la fermeture de l’école précipita la chute du village, les familles s’éparpillèrent et Claramunt fut quasiment abandonné dans les années 60/70. Quasiment. Seul un homme, Tonet Gasset de Casa Pubill, resta comme un irréductible catalan pour empêcher son village de complètement s’éteindre. On peut d’ailleurs voir à l’entrée du village, une remise avec une porte relativement neuve qui servira d’entrepôt de produits agricoles.

On raconte de lui qu’il a continué à entretenir le village, réparant les toits, les tuiles endommagées et que sa santé se cassant la gueule aussi rapidement que les pierres du village, lui dû aussi partir pour Tremp, en 2012, afin de se soigner. Il aurait dit-on, passé la main à une femme, Ramona, qui vivrait seule là-bas sans l’intention de quitter le village, très fortement dissuadée par la mairie de Tremp qui la pousserait à partir, elle aussi.

Dans les maisons abandonnées que nous parcourons, les oliviers, poussant au milieu des ruines, ont remplacé les habitants. Une chaise posée devant une plaque de tôle ondulée, posée là par la municipalité de Tremp pour éviter des accidents dus à l’effondrement de l’église, et à quelques dizaines de centimètres d’un crâne blanchi par le vent, attend sagement qu’un de ses anciens habitants y revienne passer ses derniers instants.

De la maison dans le virage, où l’on peut encore apercevoir du matériel d’outillage et des vieux bidons d’huile, le voyageur peut remarquer la forme arrondie d’une citerne de pierre qui servait à récolter l’eau de pluie.

Claramunt
(1 020 m)

Une chose est sûre, Claramunt procure une drôle d’impression qui est loin de laisser indifférent, il y flotte encore quelques âmes de ses habitants qui ne demandent qu’une chose : que l’on écoute les histoires qu’ils ont à raconter.

Pour dissiper cette nostalgie et ces histoires qui nous collent à la peau, nous filons en direction de Montfalco. L’heure tardive de départ aidant, nous atteignons le refuge alors que la journée s’achève et que la nuit doucement commence à planter sa tente. Nous tentons tout de même de faire la petite balade qui nous dépose au pied de l’ermitage de Santa Quiteria, un petit bout de chemin d’environ 300 m qui nous permet de longer le canyon de la Serra de Montsec d’Estall qui se pare de couleur rose et orange.

Le Congost de Mont-Rebei ressemble à une déchirure, une faille, comme si quelqu’un de rage avait pourfendu la roche d’un coup d’épée. En plissant les yeux on pourrait presque apercevoir la passerelle qui délimite l’Aragon de la Catalogne.

L’arrivée jusqu’à l’ermita de Santa Quiteria se fait dans un essoufflement généralisé tant les derniers mètres de grimpette se font relativement abruptes, néanmoins la vue par les meurtrières, de l’Embalse de Canelles, nous fait relativement oublier la fatigue. Et puis la cerise sur le gâteau quand nous grimpons les quelques mètres de roche pour embrasser la vue panoramique de ce paysage merveilleux que l’on ne saurait que trop recommander de découvrir.

Terminant la descente nous décidons de poser nos fesses à l’auberge / refuge afin de déguster une bonne bière et surtout de planifier le bivouac du soir. Car oui, il y a une donnée à prendre en compte, dans les trois véhicules que nous sommes, l’un doit poser et planter sa tente. Ce qui nous rajoute comme contrainte de trouver des endroits relativement éloignés et de prendre en considération la topologie du sol (droit, sec…).

Ce soir-là sera donc le soir où nous aurons le plus de difficulté à trouver ce coin parfait, nous roulerons pendant des kilomètres et des kilomètres, de nuit, à la lueur des longues portées et des lampes torches et de fatigue nous terminerons le long d’un champ, en retrait de la route, à déguster une petite soupe que nous ne manquerons pas d’agrémenter d’une tranche de lard grillée afin de ne pas se laisser abattre.

La vidéo :

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