08 Déc Adrien Ballanger, un œil entre Terre & Mer
Il y a des découvertes qui se font totalement par hasard, celle d’Adrien Ballanger en est une. Adrien nous a d’abord contacté pour parler photo et Pays Basque, il voulait savoir s’il nous arrivait de collaborer et de faire appel à des photographes extérieurs. Ma curiosité fût piquée à vif et j’ai commencé à regarder son travail, à le décrypter, je devais bien l’admettre il y avait du talent derrière ce nom et surtout un œil neuf, différent, un œil entre terre et mer qui m’a tout de suite attiré. A défaut de collaborer, on a décidé de lui donner le champ libre pour parler de son parcours, de son travail au travers d’une petite interview.
- Qui es-tu Adrien Ballanger? Peux tu te présenter, nous dire d’où tu viens et ce que tu fais ?
Bonjour, j’ai vingt quatre ans, je viens de Vendée et actuellement je suis graphiste freelance sur Biarritz.
Après avoir passé dix-huit ans en Vendée j’ai suivi trois années en école d’art graphique à Nantes et c’est à la fin de ce cursus que j’ai décidé de partir dans le Pays Basque où je vis depuis maintenant plus d’un an.
- Comment es-tu devenu photographe? Quand et comment s’est fait le déclic?
Je ne suis pas vraiment photographe, en tout cas je ne suis pas déclaré en tant que tel, et je n’ai jamais suivi de formation ou d’école, cela reste de la passion et ça a toujours été le cas. Vers mes 13 ans j’ai commencé le skate et le surf, et à cette période je démarrais plusieurs démarches artistiques, le graff, la peinture, le dessin, j’étais en pleine recherche de création. Ce fut l’année où mes parents firent l’acquisition d’un appareil numérique. Avec la démocratisation de ces produits, on était dans une période pendant laquelle tout le monde pouvait en acquérir et où la photo devenait soi-disant aussi simple que « d’appuyer sur un bouton ». Mes parents ont finalement très peu utilisé cet appareil, il me suivait partout où je bougeais. Au départ, c’était surtout le souci de conserver nos « exploits » en skate : à cette époque nous n’avions pas de photographe qui nous suivait et pas encore de Go Pro, du coup j’ai commencé à documenter nos sessions. Le déclic est arrivé après plusieurs mois d’utilisation, lorsque je publiais mes photos sur un blog et sur Facebook et que mes potes commençaient à me dire que mon travail était intéressant. Et pourtant ce n’était pas facile car qui a souvenir des premiers APN numériques se souviendra du temps de latence entre le déclenchement et la prise de vue.
- Quel est ton premier souvenir photographique?
Mon premier souvenir le plus fort c’était une sortie avec l’école, sur Paris. J’étais alors en école Professionnelle dans le milieu de la maintenance industrielle. J’ai été casé là puisque j’étais mauvais en cours et que je n’avais encore aucune idée de mon futur professionnel. On avait un prof d’art plastique qui ne photographiait qu’au Leica, il en avait une collection impressionnante et il avait le don de choper les gens et leurs émotions au bon moment. C’est à ce moment là que j’ai découvert autre chose que la photo de skate et que je me suis penché sur ce que j’appellerais la Street Photography, prise sur le fait. Du coup, ce n’est pas vraiment un souvenir précis, mais plus ces trois, quatre jours où j’ai vraiment commencé à appréhender la photo d’une façon artistique.
- Comment t’es-tu retrouvé au Pays Basque?
Je surfe depuis dix ans maintenant et en école d’art j’ai démarré un magazine avec Thomas Lodin qui est mon collègue de travail aujourd’hui. On est tous les deux amoureux des planches à vagues et de l’Océan, mais aussi de la presse, des histoires bien racontées et des belles mises en page. Un jour, on a dû créer un fanzine avec l’école, je l’avait fait sur le tatouage, avec une copine (encore une autre passion) et puis visiblement nous n’étions pas faits pour travailler ensemble. L’exercice fini, j’avais encore envie de continuer et de développer l’affaire, je lisais beaucoup de Surfers Journal à ce moment là et je me disais « Merde ! Les histoires sont dingues mais le graphisme est vraiment pas terrible, il faut qu’on fasse quelque chose du genre mais encore mieux ! ». Avec du recul, je trouve charmant ce graphisme vieillissant qui fait partie à part entière de l’esprit Surfer Journal. Du coup nous avons lancé Sorry Mom et pour l’alimenter nous sommes partis à plusieurs reprises dans le Pays Basque alors que nous vivions encore chacun sur Nantes. Et puis, à la fin de nos études, nous nous sommes dit que si l’on souhaitait développer quelque chose il fallait y retourner. J’avais aussi en mémoire les montagnes que je souhaitais depuis longtemps arpenter et photographier. C’est donc comme ça que je suis arrivé dans cette région.
- Dans ton travail tu sembles montrer les deux aspects du Pays Basque, de la mer, avec des photos de surf, à la montagne. Tu as un sujet de prédilection?
Je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir un sujet de prédilection. J’ai toujours fait dans l’éclectisme, mais effectivement aujourd’hui je me concentre surtout sur la photo en milieu naturel. J’aime autant photographier la mer avec ou sans surf et puis la montagne reste un grand terrain de jeu où tout le monde ne s’y aventure pas. Je trouve ça intéressant de proposer aux gens une vision des choses qu’ils n’ont, pour certains, jamais vue.
- Est ce que dans ton travail photographique tu cherches à tisser un fil rouge, à écrire une histoire où au contraire tu prends les choses comme elles viennent?
Comme je l’ai dit sur la question précédente, j’ai abordé et j’aborde la photo sous tous ses angles, du coup je n’ai jamais encore construit de réelle démarche dans mon travail artistique, je prends les choses comme elles viennent. En photographie, j’ai du mal à m’imposer un thème, toutes les facettes de cet art sont si intéressantes. J’admire ceux qui savent le faire, je trouve que cela donne une force au travail, un caractère à son art. Le seul moyen que j’ai pour canaliser mon envie débordante de photographie c’est de créer un livre et là j’arrive à rester sur le même fil. Pour moi, se donner un fil rouge montre le sérieux du photographe, on se rend compte que la personne travaille son art avec assiduité puisqu’il se met lui-même des contraintes, aujourd’hui je trouve que l’on voit beaucoup trop de personnes qui postent des photos à tout va sans vraiment conscientiser leur travail, Instagram est un large reflet de tout ça et j’ai conscience d’être moi-même dans ce cas. Un super magazine qui permet de se rendre compte du vrai travail de photographe, c’est Polka, je trouve leur vision de la photographie très pertinente.
- Des gens, des personnes, des photographes ou autres qui t’influencent dans ta vision de la photo?
Bien sûr, comme beaucoup je pense il y a Chris Burkard pour le surf et les paysages, en surf il y a aussi Thomas Campbell, Ryan Tatar, Leroy Granis. Pour les paysages ou la montagne il y a Vincent Munier, Renan Ozturk et d’autres que j’oublie et puis des classiques comme Cartier Bresson, Raymond Depardon, Robert Capa et puis des plus récents dans la photo de mode, comme Erwin Olaf, Elina Kechicheva, et d’autres. Finalement, je ne suis pas très cultivé niveau photographie mais je laisse traîner mes yeux dans pas mal de magazines du coup je découvre pas mal de monde.
- Si là, tu ne devais choisir qu’une seule de tes photos ce serait laquelle? Et pourquoi?
Ça c’est une rude question !
J’ai vraiment du mal à en départager deux. La première, c’est celle où on voit un énorme front nuageux* qui prend plus des deux tiers de la photo. Ce dernier est juste au-dessus d’Hendaye et à ce moment là, j’étais avec un pote sur les hauteurs du lac d’Ibardin, on était fou en voyant ça, on a vraiment apprécié le moment ! Je trouve que la photo montre plutôt bien comment les éléments peuvent prendre une place grandiose dans le paysage basque. Après l’euphorie on a vite déchanté car la dernière heure sous la grêle et l’orage avec l’eau qui rentre dans l’imperméable, ça calme !
La deuxième photo est celle que j’ai prise avec mon vieux Olympus Trip 35 à Berlin, un argentique acheté dans une brocante. J’allais rejoindre une copine allemande pour grimper quelques voies d’escalade et sur le chemin je suis tombé sur ce groupe de punks qui jouait un très bon morceau, exactement dans l’esprit du mouvement, à l’arrache sur un bout de passerelle construite de bouts de bois qui semblait céder à chaque pas. Le seul type que l’on voit c’est le chanteur, il était à moitié déguisé en Peter Pan avec du vernis à ongle et une couche en tissu. C’était vraiment un bon moment.
*Il s’agit de ce que l’on appelle Enbata à Hendaye, Brouillarta à Saint-Jean-de-Luz ou encore Galerno en Espagne. C’est un vent froid, humide et très rapide qui amène de gros nuages venant de l’Ouest. On retrouve se phénomène appelé Galerne dans d’autres régions de France, en Bretagne notamment.
- J’ai vu que tu faisais aussi de l’argentique, comment y es-tu venu?
J’y suis venu en me disant « je veux tout connaitre de la photo ». J’ai toujours pensé que savoir développer mes négatifs moi-même, savoir mettre une pellicule et savoir prendre des photos en « full auto » en utilisant un posemètre m’aiderait à mieux comprendre comment fonctionne la photo, et je pense que ça m’a sincèrement aidé.
- Dans quel cadre choisis tu l’un ou l’autre?
Je privilégie l’argentique pour les voyages, je trouve que cela se prête à la photo d’instant, puisqu’on ne peut pas la refaire ou du moins on ne la refait pas, puisque ça coûte cher. Tant qu’à essayer d’avoir des moments singuliers, autant aller jusqu’au bout et shooter avec un argentique.
Et puis pour le reste je prends le numérique, le surf à l’argentique, c’est cool mais ça coûte cher ou alors il faut privilégier le « life style », ce qui m’arrive. Et puis pour la montagne ou les paysages, je retouche pas mal mes photos sous Lightroom donc le numérique s’impose.
- Arrive forcement la question de ton matériel, que ce soit en argentique et en numérique. Qu’est ce qu’on trouve dans ton sac?
Mon boitier Nikon D7100, un 18-70 mm f/3.4-4.5, un 70-300 mm f/4.5-5.6, un 50 mm f/1.8 et mon Nikon FM (argentique) avec un autre 50 mm f/1.8 d’époque. Ça coûte relativement cher la photo, étant une passion parmi d’autres, je n’ai pas énormément de matos par rapport à d’autres. Mais bon le matériel ne fait pas le photographe, ça y participe seulement !
- Un bon et un mauvais souvenir photographique?
Jusqu’ici pour moi tout est fait de bons souvenirs… ou presque, j’ai un mauvais souvenir le jour où j’ai voulu tenté la photo de mariage, c’est pas vraiment mon truc, j’ai rempli ma mission de A à Z, mais qu’est ce que je me suis fais ch**r !
- La photo ultime, celle qu’il te reste à faire?
J’aimerais vraiment aller dans de la haute montagne et choper un cliché qui m’aura coûté cher, autant en adrénaline que physiquement. Quelque chose de grandiose avec la lumière du matin (ma préférée) et avec toute la puissance que peuvent dégager les montagnes quand on contemple leur grandeur.
- Ton spot préféré au Pays Basque?
J’aime beaucoup le Pas de Rolland, certes c’est très touristique mais on comprend vite pourquoi, c’est vraiment un chouette lieu et puis juste au-dessus il y a l’Artzamendi. Au sommet, on y trouve une base militaire aérienne et une vieille station radio à moitié laissée à l’abandon, avec comme seules occupantes, des chèvres qui broutent l’herbe dans la cour.
- Quel genre de voyageur es-tu? Touriste, backpacker…
Un Backpacker, mais qui aime les musées.
- Ton premier souvenir de voyage?
La Turquie avec mes parents, un coucher de soleil sur la mer Égée avec une ambiance des plus minimaliste, personne sur le remblai et des couleurs magnifiques.
- Numérique ou argentique?
Numérique
- Couleur ou noir et blanc?
Couleur
- Le truc que tu es sûr de ne jamais oublier dès que tu bouges?
Ma gourde
- Un moment WTF?
Le jour où j’ai voulu faire des photos de lingerie et où une nana plus que moche s’est proposée et souhaitait me faire part de contre partie en nature, vu qu’elle s’adonnait à quelques films pornographiques sur Paris.
Depuis je n’ai plus jamais émis l’idée de shooter de la lingerie ! En même temps quelle idée.
- Une photo que tu regrettes de ne pas avoir faite?
Je regrette de ne pas faire plus de photos humanistes à la Depardon ou Cartier Bresson. il est encore temps !
- Une dernière chose à ajouter?
Non Capitaine ! j’ai déjà trop parlé !
- Où est ce que l’on peut suivre ton travail?
Sur mon Instagram @AdrienBallanger tout simplement et puis mon blog adrienballanger.tumblr.com
Je n’ai pas trop d’actu en ce moment malheureusement cela est dû à un gros problème de santé mais ça devrait rentrer dans l’ordre. J’espère d’ici cet hiver poster de nouveaux clichés.
Et merci beaucoup à vous de m’accorder cette interview !
Continuez à nous faire voyager !
chloe
Posted at 00:44h, 24 décembreUne superbe découverte, ah j’adore! Dire que jamais je ne saurai faire des photos comme ca! Quel talent!
retourdumonde
Posted at 15:29h, 26 décembreMerci Chloé ! Avec un peu de patience, un peu de travail, on arrive à se faire un œil 😉