Somme-Where – De Tourcoing à Equihen-Plage – Jour 1

Somme-Where – De Tourcoing à Equihen-Plage – Jour 1

Suggestion d’accompagnement sonore :

The Highway QC’s – Somewhere To Lay My Head (Vee-Jay – 1955)
Groupe relativement méconnu de Gospel et pourtant il s’agit de l’un des premiers groupes de Sam Cooke. Ici c’est Johnnie Taylor (qui remplacera Sam Cooke dans les Soul Stirrers) qui cherche un endroit, quelque part où poser sa tête.

Comme il y a quelques années déjà à Gorramendi, encore une fois cette année j’avais envie de tout plaquer. De ne pas rester sur Paris pour se fader le réveillon. Envie de prendre le large, envie de voir la mer, envie de fêter le changement d’année entre les grains de sable et les embruns, entre les cris des cormorans et les bourrasques tempétueuses. Au dernier moment sur un coup de tête, on a loué un van, sans plan ni idée, sans but ni objectif, hormis celui de ne pas rester figés. Direction la Côte d’Opale et la Baie de Somme, pour se perdre Somme-Where.

Jour 1. Les yeux qui collent, les marques de l’oreiller sur les joues et aucune envie de s’extirper du plumard. Dans un silence propre au matin tôt, on s’active, on se sape, on se lave et on se glisse dans un taxi direction Gare du Nord. Paris la nuit à toujours un drôle de visage, les indigents, les travailleurs, tout ce beau monde se croise dans une relative indifférence, insoluble et invisible. Dans l’aube parisienne, le froid pique un peu et rosit les joues. L’aller se fera en deux temps : Paris > Lille et puis Lille > Tourcoing.

Je vous passe le trajet aller relativement rapide, la facilité avec laquelle à Lille, il est aisé de passer d’une gare à l’autre, en tirant tout droit via une montée vicieuse quand les muscles sont encore froids de la nuit. Tout s’enchaine ne laissant pas trop le temps d’y penser. Le train direction Tourcoing, qui a pour terminus la Belgique ne transporte que des étudiants, des travailleurs qui se débriefent les histoires de turbin de la veille. Ça se confie, ça cancane, ça se chambre pas mal aussi.

Arrivée à Tourcoing où un sapin rachitique illumine le rond-point de la Gare. On respire l’air du Nord, un rapide coup d’œil et nous sommes déjà ailleurs. La brique est devenue Reine, les maisons ouvrières s’alignent comme des dominos. On est là-haut. Encore une fois c’est le Nord qui nous appelle, le Nord qui nous rattrape.

Je vous passe le trajet à pinces jusqu’à l’entrepôt du loueur, le très bon accueil de ce dernier – WeVan pour ne pas les citer – , le rapide tour de notre future maison pour les quelques jours à venir. Il est d’ailleurs fou de constater à quel point la technologie va vite. Du chauffage tuberculeux de notre van en Ecosse à un chauffage puissant et efficace dans celui-ci, que le progrès a du bon !

Un voyage en van commence toujours par le même réflexe, hormis de celui de prendre en considération le gabarit du bahut, il commence toujours par un tour au supermarché, histoire de pouvoir se sustenter les jours à venir. Quelques bricoles plus tard nous voilà fin prêts pour nous embarquer direction plein ouest, prêts à affronter les tempêtes à venir.

Je ne pense pas qu’il soit utile de mentionner qu’une fois Tourcoing quitté, nous nous sommes paumés dans des petits bleds, sur des petites routes, que nous avons traversé la frontière belge sans nous en rendre compte, que nous avons traversé Armentières, longé la Deûle, tout ça pour terminer sur la place de Bailleul, entre les bureaux d’un notaire de province et le parking au pied de l’église, le cliché par excellence, mais le cliché que nous étions venus chercher, le phare méridien, j’ai nommé : La friterie.

La Friterie Bailleuloise c’est 4/5 sur les-friteries.com, c’est aussi des frites maison chargées ras la gueule dans un papier absolument pas pensé pour absorber tant de gras, une fricadelle bien charnue et l’assurance d’un bon gueuleton à même de vous remettre sur pattes quand le dernier morceau que vous avez avalé était sur les coups de 5/6 heures du matin.

La bedaine remplie, on a tiré tout droit en direction de Boulogne-sur-Mer, je commençais à en avoir plein les bras, plein les pattes, mes yeux commençaient à lutter et mon esprit à perdre le fil. On ne savait pas trop où on allait. Sans doute pour la première fois en voyage, on se laissait complètement porter, sans aucune idée, juste voir où les prémices de la tempête nous pousseraient.

On a vite traversé Boulogne-Sur-Mer sans trop y trouver quelconque intérêt, mais après tout, nous n’étions pas venus là pour nous laisser aller en ville, moi ce que je voulais c’est voir la grande bleue, sentir la mer, respirer les embruns, fouler les rochers et admirer les falaises. De Boulogne on a rapidement fuit, le temps uniquement de se refaire une santé en se dégourdissant les gambettes, en fumant une clope et en respirant un grand coup les odeurs du port.

Arrivés au bout de la terre, à l’Ouest, on a décidé de bifurquer plein Sud. On a laissé Le Portel et Outreau dans le rétro et sans trop savoir pourquoi on a jeté notre dévolu sur Equihen-Plage. 2800 habitants, quelques mouettes et une Rue du Beurre Fondu, c’était suffisant pour nous faire marrer, suffisant pour nous arrêter dans notre journée.

On s’est garé sur le parking du site de La Crevasse (!), à l’abri du vent, bien calés derrière la haie, on a tout de suite su qu’on y passerait la nuit. Béni soit le hors-saison et bénis soient les vans de 2m qui passent sous les barres à 2m20 de hauteur des parkings. Le hasard du voyageur faisant souvent bien les choses, c’est sous une belle lumière de fin de journée et une marée basse qu’on a commencé à descendre explorer La Crevasse.

Les falaises se sont alors parues d’un rose aux teintes oranges, le temps était presque doux, la lumière était sublime, propre aux lumières de l’hiver, venant lécher le moindre galet, la plus petite des algues. Un escalier nous menait au fond de La Crevasse nous donnant la vague impression de s’enfoncer dans un lieu presque secret, quasi idyllique, silencieusement perturbé par l’unique bruit d’une cascade dégueulant de flotte à pleine gorge, le tout éclairé par une demi-lune nous observant de loin.

Pas grand monde sur la plage, un monde rien que pour nous. Un de ses instants qu’on souhaiterait sans point final, intemporellement joli. Un coucher de soleil qui se reflète dans les flaques d’eau salée, des petites maisons, certes pas bleues, mais pourtant bien accrochées à la colline. Des nuages dont les ventres s’impriment de rose, même les innombrables blockhaus avaient de la gueule, partie intégrante du paysage des côtes du Nord. Personnage majeur, quasi principal d’une histoire qui ne fait qu’une avec ce territoire que l’on a tendance à sous-estimer.

On n’était pas si seuls à Equihen-Plage, des silhouettes de promeneurs en goguette venus admirer la vue, prendre le temps de se perdre, se découpaient sur les hauteurs. Des silhouettes de papier disposées sur les falaises que l’on pourrait facilement confondre avec des épouvantails. Bref, quand on ne cherche rien de spécial, c’est souvent là que l’on tombe sur quelque chose de chouette, et Equihen-Plage était vraiment chouette.

On s’est paumé dans le village pour se ravitailler un peu, un morceau de miche de pain ici, quelques amuse-gueules par-là alors que les rues devenaient bleues et que le ciel lui donnait tout ce qu’il avait de jaune et d’orange.

Pour les amis voyageurs sur quatre-roues, sachez qu’il existe une aire de camping-car juste avant le parking de La Crevasse, aire de service vicieusement posée à côté d’une station d’épuration aussi bruyante qu’odorante. Nous, bien planqués derrière notre haie, on était peinard, pépouze, pépère, sans bruit ni odeur, l’endroit idéal pour se décapsuler une bière belge (Une Vedette pour ne pas la citer), faire la pitance tout en écoutant la radio et en bouquinant. Les vacances pouvaient enfin commencer.

Comme la tempête n’avait pas encore tapé les côtes et stagnait encore au loin, que le ciel était dégagé, je me suis dit que ce serait maintenant ou jamais d’aller taquiner les étoiles pour leur tirer le portrait. J’ai dont sorti le matos dans le froid et le vent qui commençait légèrement à piquer les endosses, pour m’amuser un peu.

La voie lactée était légèrement discernable, bien moins cela dit que la foule de loupiotes des rafiots, du bateau de pêche aux gros supertankers qui sillonnaient l’horizon au-loin. Après une bonne petite heure passée dehors à la fraiche, à capturer les étoiles de mes yeux, légèrement perturbés par une lune bien trop présente, on a filé au pageot, le corps nous rappelant que nous nous étions levés beaucoup plutôt que d’ordinaire.

On a déplié le lit, retrouvé les réflexes de campers, organisé notre maison et il n’a pas fallu longtemps pour nous bercer. La fatigue, la mer, le plaisir d’être de nouveau sur les routes ont eu raison de nous. A peine une heure ou deux de Paris et pourtant on n’avait l’impression d’être au bout du monde. Et ça ne faisait que commencer.

Nikon D610 |  Yashica Mat-124 G & Kodak T-Max 400

Un #roadtrip en van sur un coup de tête. De la #CotedOpale à la #BaiedeSomme. Premier jour, de #Tourcoing à #EquihenPlage Share on X

15 Commentaires
  • Christophe
    Posted at 10:13h, 30 janvier Répondre

    les photos sont magnifiques, ça donne des idées

  • SailorSupergirl
    Posted at 12:33h, 30 janvier Répondre

    SU-PER-BE !

  • kaki
    Posted at 23:05h, 30 janvier Répondre

    Merci à tous les deux de parler aussi joliment de ce que l’on peut désormais appelé « min coin » en ch’ti 😉

    • retourdumonde
      Posted at 10:50h, 31 janvier Répondre

      Ohh merci, merci ma Kaki ! Pour moi le Nord t’est automatiquement associé, mais je ne savais plus trop de quel coin tu étais. Promis la prochaine fois, j’essaie de prendre le temps de discuter autour d’un café. :-*

  • Samsha
    Posted at 23:46h, 30 janvier Répondre

    Magnifiques ces paysages!

  • Aurore
    Posted at 21:24h, 31 janvier Répondre

    Magnifique ! Il faut vraiment que j’aille sur la côte plus souvent ♥

  • mzelle fraise
    Posted at 16:25h, 15 février Répondre

    Elles sont vraiment super les photos de nuit ! ça fait un petit moment qu’une balade en Baie de Somme me trotte dans la tête, évidemment, vous accentuez cette envie 🙂 C’est bien chouette de vous retrouver par ici.

  • Lefebvre
    Posted at 13:25h, 16 février Répondre

    Fameux, le texte,, les photos…….
    Je suis nordiste, expatrié su la « côté d’usure »…………..

  • Alice
    Posted at 19:26h, 27 février Répondre

    Fan de ces lumières d’hiver sur les plages du Nord (avec les reflets dans les flaques d’eau ♡) que vous savez parfaitement capturer ! Et on en parle de ces photos de nuit ?

    • retourdumonde
      Posted at 12:31h, 28 février Répondre

      Il faut être honnête, on a eu beaucoup de chance ce jour là, d’arrivé pile au moment où les falaises se teignent de couleurs ocres. C’était juste parfait.

  • Elise
    Posted at 18:25h, 29 avril Répondre

    Super votre récit. Je vois que vous avez un van aménagé, un T6 si je ne dis pas de bêtise, j’en rêve !! 🙂
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    • retourdumonde
      Posted at 09:45h, 30 avril Répondre

      Malheureusement il n’était pas à nous, nous l’avions loué chez We-Van dans leur agence de Lille (Tourcoing), mais oui c’est un beau rêve et un réel plaisir que de voyager avec !

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