Les eaux bleues d’Urederra

Les eaux bleues d’Urederra

On a laissé derrière nous, les plaines enneigées de la Sierra de Urbasa, et on a repris la route. Une infinie ligne droite au milieu des espaces vides et venteux, et puis les virages ont refait leur apparition, agrémentés des départs des multiples chemins de randonnées qui s’offrent aux arpenteurs de la sierra. Et enfin, la route nous a déposé à notre point d’arrivée, le but de cette journée, le village de Baquedano. Planté sur une colline, petit village aux maisons de pierre, retranché de la route et fort de 154 âmes, c’est la porte d’entrée vers, cette fameuse source bleue dont je rêvais tant d’en voir les nuances. Urederra, la belle eau comme son nom veut si joliment le dire.

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A profiter des paysages sublimes de la Sierra de Urbasa, on avait clairement mangé sur notre crédit temps, il ne nous restait plus beaucoup d’heures sur notre forfait. On a grimpé la route principale et déposé la voiture sur l’immense parking du village, à lui seul presque aussi grand que Baquedano lui-même. En saison, le parking payant accueille plus d’un car de touristes, plus d’une horde de locaux curieux de voir les eaux de cette fameuse source, mais en plein mois de mars, personne dans la guérite. On a compris que l’horloge avait gagné la course quand on a vu que les quelques voitures sur le parking, prenaient le chemin du retour. 19h. Merde. On était battus à plate couture. Mais on s’est quand même mis en chemin, gravissant les rues étroites du village, dépassant le mur à gauche, qui du haut de sa structure démesurée, se démarque, se détache, montrant aussi que dans n’importe quel village, n’importe quelle province du Pays Basque, la pelote reste quelque chose de fortement ancré et pas seulement une attraction pour touristes en recherche de folklore. Église, bar, fronton, la Sainte Trinité des villages du Pays Basque.

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On a laissé derrière le seul endroit animé de Baquedano, le bar et ses 4 personnes, la main accrochée à un verre de bière et les yeux rivés sur un match de foot. Les fermes se sont faites de plus en plus rares, et le chemin de goudron, une fois passé le portail d’entrée du chemin d’Urederra, a laissé place aux cailloux. Les montagnes posées sur l’horizon, on ne voyait aucun cours d’eau, mais petit à petit le ronronnement lancinant des rapides se fit entendre, comme une mélodie planquée au fin fond de la tête.

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Le chemin a commencé à se dessiner, à amorcer une légère pente, le signe que l’on allait se rapprocher des berges de la rivière. Après plusieurs kilomètres dans la boue, protégés par une végétation dense, on a commencé à la voir cette belle eau. Mais ce premier contact avec Urederra n’était pas celui qu’on espérait. Une eau agitée, mais rien de bleu, rien de turquoise, loin de ce qu’on mon imaginaire avait échafaudé dans ma tête.

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Par contre la végétation tout autour de nous, suffisait, elle, à rattraper le coup. Des feuilles couleur cuivre, des rochers littéralement bouffés par une mousse trop verte pour être vraie, ruisselante de petites cascades, elles-mêmes tombant sur toute une déclinaison de plantes dont les noms me sont inconnus, dont cette espèce de trèfle, épais comme du cuir.

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On a continué comme ça pendant quelques dizaines de minutes et ça y est, on y était. Notre première cascade, une eau moins agitée, des tons bleus, verts, turquoise, bouteille, opaline, aigue-marine, acier, cyan,… Tant bien que mal, on a descendu les cailloux trempés et glissants par l’humidité latente, on a bien manqué d’y laisser une cheville ou un appareil photo mais on réussi à atteindre la berge.

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La météo des derniers jours, la fonte des neiges dans les hauteurs, tous ces éléments réunis et combinés nous donnèrent à voir Urederra sous sa facette la plus sombre, la plus énervée, et déchainée. L’écume prenant tout autant de place que le turquoise, les fonds brassés par un courant fort, assombrissant les eaux aux couleurs caribéennes. Ça ne m’a pas empêché de passer au-delà de la rambarde de protection pour m’approcher encore plus de la rive, pour embrasser pleinement le paysage.

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Je suis resté prudent, me tenant éloigné de la souche trouée de cet arbre immense penché au-dessus des eaux. De ses racines emberlificotées, nouées dans la roche et la terre. J’ai tourné autour, cherchant un meilleur point de vue, mais je n’ai pas osé m’aventurer trop loin. La peur de tomber, la peur de me retrouver les fesses dans une eau à la température à tout juste positive, la peur d’abimer le paysage aussi.

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Alors je l’ai joué sérieux, j’ai repassé la rambarde et les fesses posées sur un rocher mouillé, on s’est tout simplement contenté de profiter, de se laisser bercer par le flot continu et hypnotique de cette « belle rivière ». On a vu que la luminosité commençait drôlement à baisser, alors les muscles froids, on a refait le chemin en sens inverse, laissant dernière nous la fin du chemin, là où l’on dit que la chute est plus belle, plus grande, plus majestueuse, cachée au fond des montagnes de cette réserve naturelle. Là où part Urederra qui plusieurs centaines ou milliers de kilomètres plus loin finira par rejoindre l’Ebre, le plus puissant des fleuves espagnols.

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Le chemin était toujours aussi boueux, mais quand la végétation a commencé à se faire moins dense, on a aperçu, au loin, le ciel se dégager, le soleil se coucher, et puis tout ça réunis, comme pour nous signaler que tout allait bien, que la journée avait été quand même belle, les oiseaux se sont mis à chanter leur sérénade, celle que l’on entend au début des soirées d’été, quand la température redevient agréable et que tout le monde rentre chez soi, heureux.

Dans Baquedano, rien n’avait changé, le match n’était pas terminé, les verres de bière s’étaient de nouveau remplis, et la quiétude et le silence étaient toujours bien installés. Nous on a repris la route, heureux, remplis, comblés.

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A la lueur rasante des phares, on a revu se dessiner la silhouette mystique du Palacio de Urbasa, et à l’endroit où la route repart en lacet, on a affronté une tempête de neige comme jamais. Une visibilité de 1m50, un brouillard à couper à la tronçonneuse, des rafales de flocons. Les phares à toute berzingue, on y voyait rien ou presque. Mais comme j’aime quand les éléments se déchainent et que la course contre la montre étaient définitivement perdue, on a laissé passer la déneigeuse et on s’est arrêtés pour profiter une dernière fois de la vigueur, de la rudesse mais de la beauté de cette Sierra de Urbasa, tout en suivant des yeux les lumières des véhicules qui bravaient le brouillard. Et lentement on a tourné la page de cette journée, tout en rêvant encore à ce qu’on avait vu, et en pensant à ce qu’il nous restait encore à y voir.

Suggestions d’accompagnement sonore :

The Gaylettes with Lynn Taitt & The Jets – Silent River  (Merritone – 1968)
Le titre parle de lui même et les harmonies des Gaylettes en font une chanson parfaite pour les eaux faussement calmes d’Urederra.

8 Commentaires
  • Amélie
    Posted at 09:43h, 14 avril Répondre

    Tellement joli et apaisant! Je retourne dans le pays basque dans peu de temps, mais côté français ! Il me tarde de le découvrir un peu plus 🙂

    • retourdumonde
      Posted at 12:42h, 14 avril Répondre

      Il y a même dans le Pays Basque nord, beaucoup de trésors cachés un peu partout, et puis la frontière n’est jamais très loin. 😉 Bonne découverte à toi !

  • Sophany
    Posted at 12:03h, 14 avril Répondre

    Elles sont super ces photos! Un bon bol d’air frais 🙂

  • Liilice
    Posted at 14:05h, 14 avril Répondre

    Wahou ces couleurs ♥ ♥ ♥ ! Le Pays Basque renferme de beaux paysages, merci pour ces découvertes ! (Et sinon, je vais commencer à manquer de mots pour vous dire que j’aime toujours autant vos articles… ^^)

  • Apprentie Voyageuse
    Posted at 10:03h, 15 avril Répondre

    Assez irréel comme endroit, on s’attend presque à voir une cérémonie païenne se dérouler derrière les arbres. Très joli article et très belles photos, ça me donne envie de retourner au Pays basque! 🙂

    • retourdumonde
      Posted at 16:00h, 19 avril Répondre

      A la vue du nombre de croyances païennes, et du bestiaire mythologique au Pays Basque, ce ne serait pas totalement étonnant en effet ! 😉
      retourdumonde Articles récents..Les eaux bleues d’UrederraMy Profile

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