Formid’Alpes – De La Bauche à Grenoble – Jour 2

Formid’Alpes – De La Bauche à Grenoble – Jour 2

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Formid’Alpes

Road trip automnal entre Chartreuse et Vercors
Jour 2 – 4 Novembre 2018 – 156 km
Jour 2

Jour 2

De La Bauche à Grenoble

156 km

Suggestion d’accompagnement sonore :

John Denver with Fat City – Take Me Home, Country Roads
(RCA Victor – 1971)

Chanteur de folk, parolier et compositeur à succès, John Denver se fait un petit nom qui deviendra grand aux Etats-Unis, notamment avec ce titre qui sera repris en France, entres autres, par Claude François ou Dick Rivers.

Les premières nuits sont rarement les meilleures, comme si le corps et le cerveau avaient tous les deux besoin de s’adapter. Résultat une mauvaise nuit, à tourner en rond mais allongé, à chercher sa position, à prendre ses marques.

C’est avec les cervicales en compote que l’on constate que la couverture présente dans le kit literie que l’on s’est permis de prendre afin d’éviter de se trimbaler les duvets, fait exactement pile-poil, et au poil près la taille du lit. Autant vous dire qu’à moins de dormir d’un sommeil profond, sans aucun mouvement, vous avez toutes les chances d’avoir un regard noir matinal de votre conjoint ou conjointe parce que vous avez joué trop perso en terme de chaleur.

Mais il en faut bien plus pour nous décourager surtout après un réveil dès les 7h tapantes, histoire de bien enquiller la journée, l’occasion pour nous, d’enfin découvrir, et ça pour la première fois, les silhouettes des montagnes qui nous environnent.

Des cimes découpées à la serpe, déchirées comme le serait une feuille de papier, émergentes d’un voile de nuages bas emprisonnés dans la vallée. Il fait humide mais la lumière nous le fait vite oublier. Petit rituel s’il en est, je pars, je m’éloigne le temps de fumer une clope, de regarder la nature se réveiller avec ou sans un petit café à la main. Les oiseaux chantent, heureux eux aussi d’être sortis de cette purée de pois de la veille.

Le ciel lui-même n’est pas totalement bien réveillé, il ressemble à un crépuscule qui se serait arrêté. Le croissant de Lune émerge dans le ciel créant des toiles d’art abstrait lorsque se dessine la traînée d’un avion.

L’avantage de se lever tôt, l’avantage de ne pas savoir où l’on va, c’est que l’on est jamais vraiment pressé de partir. On prend notre temps, on flâne, on se pose, se repose, on admire tout simplement, bien décidés à rester au-dessus de la brume, juste le temps de quelques minutes.

A la redescente on fait un petit passage par Les Échelles, petit village encore endormi où ne rôdent que les amateurs de nouvelles fraîches et de miettes de viennoiseries. Se poser quelques instants sur le parking du village, c’est admirer un ballet des petits vieux sortis de nulle part qui convergent tous vers la boulangerie, ce que je ne manque pas de faire histoire de nous rassasier en viennoiseries beurrées à souhait, à la peau dorée et croustillante comme on en trouve que dans certains coins reculés de France. C’est con, et ne me demandez surtout pas pourquoi, mais les croissants des campagnes ont toujours eu une saveur d’ailleurs qui me transporte le temps de quelques bouchées.

On est Dimanche. En été comme en hiver Les Échelles est un véritable point de passage, de convergence et de croisée des chemins, sauf que voilà là, on a comme qui dirait le cul entre deux saisons. De toute façon Les Échelles a toujours eu le cul entre deux chaises, à mi-chemin en Chambéry et Grenoble, à mi-chemin entre la France et la Savoie, ancienne ville limitrophe entre la France et l’ancien Royaume de Sardaigne, à croire que les Echellois n’ont jamais su trop choisir

On passe Berland, on traverse des campagnes où le soleil se joue de la pluie et où les fermes perdues, abandonnées au milieu de plaines venteuses, penchent du fait du poids des années.

Les Gorges du Guiers Vif

Et puis vient la route des Gorges du Guiers Vifs ou Pas du Frou c’est selon, notre première route en à-pic, à la fois magnifique et impressionnante, nous faisant frôler, parfois même lécher les pierres de ces gorges. C’est à l’enjambement du Riou Brigoud que l’on décide de s’arrêter pour en embrasser la beauté.

Au milieu des couleurs automnales, dans une trouée d’arbres et sous un soleil presque radieux nous découvrons la silhouette d’une montagne en forme de dent dont le nom nous échappe. Il faut beau, voir même très beau.

Le Guiers Vif c’est la frontière naturelle entre l’Isère et la Savoie, ce ruisseau tumultueux faisait déjà office de frontière historique entre le Dauphiné et le Royaume de Savoie.

Le Cirque de Saint-Même
(850 m)

La route qui file plein est nous dépose à Saint-Pierre-d’Entremont où l’on en profite pour effectuer un ravitaillement des produits de première nécessité avant les fermetures dominicales. Et on continue, sans trop bien savoir ce que l’on trouvera vers le Cirque de Saint-Même.

Arrivés à son pied c’est la première claque de la journée. Nous voilà face à 900 m de falaise calcaire en forme d’arène, de théâtre antique naturel, nous entourant de ses arbres rassurants. C’est grand, majestueux, aéré, paisible et vaste. L’envie de s’y poser s’y fait ressentir fortement. Le Guiers Vif, contrairement à son nom, y déambule paisiblement au milieu d’une plaine. On comprend mieux au regard des cartes postales anciennes que ce lieu était utilisé pour les camps de vacances tant il fait bon s’y poser pour admirer.

Mais comme partout dans la région, même les lieux d’apparence paisible ont forcément un revers de la médaille plus déchirant, plus sombre, le Cirque de Saint-Même fût un haut-lieu de résistance comme les nombreuses plaques ne manquent pas de nous le rappeler. Ici, l’Histoire est derrière chaque caillou, au pied de chaque arbre, le sang versé par les maquisards et autres résistants, les fantômes de nombreux destins fauchés y ont élu domicile pour dernière demeure.

On décide de s’embarquer pour le sentier des cascades, une boucle d’1h30. Le Cirque de Saint-Même en compte quatre : La Cascade des sources, la Grande Cascade, la Cascade Isolée et le Pisse du Guiers. Ce parcours est le plus accessible, les autres chemins étant fortement déconseillés en cas de chemin humide et surtout réservés à des marcheurs confirmés.

Et ça grimpe sec dès le début, ça glisse tout autant, les souches, les roches et les cailloux sont piégeux car fortement humides. Ça fait racler les poumons, on s’essouffle vite mais c’est peut-être tout simplement la vue qui nous coupe le souffle.

La première cascade que l’on discerne entre les arbres mousseux et les feuilles aux reflets doré, c’est la Cascade Isolée, que l’on peut observer depuis un promontoire. Puis celle que l’on entend avant même de la voir, nous avertissant de sa présence par son tumulte rageur, c’est la Grande Cascade. En levant les yeux on voit aussi la grotte d’où dégueule le Guiers. Celle-là même qui est inaccessible pour les modestes marcheurs que nous sommes.

Au pied de la Grande Cascade nous prenons le temps d’admirer, de regarder, de détailler, ce paysage idyllique que l’on croirait tout droit sorti d’une carte postale des Rocheuses. La roche est un gruyère, une sculpture moderne faite de couches séculaires de roches accumulées, les arbres semblent avoir été posés là par un spécialiste du modélisme et seule la blanche écume et le début impressionnant vient rompre le silence de l’endroit.

Après quelques longues minutes de contemplation, nous amorçons la descente nous faisant passer par la Passerelle des Resquilleurs, l’occasion aussi de faire un petit décrochage pour s’humidifier le visage d’une eau à la température glaciale, parfaite pour réveiller les sens et donner un bon coup de fouet.

Après ça, la descente se fait en douceur et nous redépose dans la plaine où, sous le relatif beau soleil des gens commencent à déplier les nappes de pique-nique.

La faim nous tiraille l’estomac et on tente bien d’aller dans le chalet du cirque où des gens se trouvent à l’intérieur, mais nous comprenons très vite qu’il a été réservé soit pour de la famille soit pour un groupe en vadrouille. Nous redescendons sur Saint-Pierre-d’Entremont pour tenter de dégoter un restaurant mais c’est dimanche tout est complet et nous nous voyons opposer un refus à chaque demande. Un peu déçus c’est dans le silence que nous dégustons nos sandwichs.

La route reprend plein sud par le Col du Cucheron et Cécile a en tête de passer voir le Monastère de la Grande Chartreuse. Nous traversons Saint-Pierre-de-Chartreuse, l’occasion d’y croiser nos premières pistes de ski et nos premières remontées mécaniques, grinçantes dans le vent, en attente des premières neiges en retard et parées pour affronter une saison qui tarde à démarrer.

Du Monastère de la Grande-Chartreuse du fait d’une arrivée tardive, nous n’en verrons que la boutique et une petite chapelle. En faire l’histoire ici serait beaucoup trop long, et les moines y appliquant la règle cartusienne, le monastère à proprement parlé ne se visite pas. La solitude y est de rigueur dans ce que Bruno et ses six compagnons en 1084 appelleront la “désert de Chartreuse” sied au pied du Grand Som.

L’Oratoire d’Orgeval
(1867 m)

La journée s’allonge et après avoir passé les 1326 m du Col de Porte, nous bifurquons plein ouest pour aller voir ce qui se cache au bout de cette route. Charmant Som, le nom nous interpelle sur la carte. Soudain, lorsque la route s’écarte nous tombons nez à nez avec l’Oratoire d’Orgeval, face aux massifs de la chartreuse et aux 2082 m du massif de Chamechaude dont les sommets sont saupoudrés d’une neige tenace et abondante. La vue est à couper le souffle. C’est pour ce genre de claque visuelle que nous avons jeté nos dés sur cette région.

Quelques kilomètres nous séparent de la fin de la route et en cette fin de dimanche, beaucoup de monde est de sortie. Les uns les skis à la main, les chaussures de rando se délassent assis sur le coffre, les chiens tirent la langue d’avoir gambadé partout.

Face à nous le sommet du Charmant Som, à ses pieds, la bergerie qui fait aussi office de fromagerie, des silhouettes se découpent sur son arête, les gens s’y promènent encore, bien désireux de profiter des derniers instants du week-end. Ca me démange d’y grimper au point que l’on s’interroge sur le fait d’y rester pour y passer la nuit, mais il est encore tôt, l’heure du goûter et l’on souhaite grappiller encore quelques kilomètres.

Le retour et la redescente nous fait passer devant un stade d’entrainement de biathlon, curiosité pour nous, habitude pour eux. Sur la route, un coucher de soleil indécent nous accompagne comme pour compléter cette journée parfaite, malheureusement aucun spot sur Park4Nights nous tend les bras. Alors on cherche, on farfouille, on regarde à droite, à gauche, sans rien trouver.

Plus nous nous rapprochons de Grenoble, plus les chances s’amenuisent. Uniquement à l’aide de la carte routière nous jetons notre doigt sur le Fort du Saint-Eynard, sans bien trop savoir ni ce que c’est, ni ce qui nous y attends.

La route n’en finit plus et notre fatigue augmente au même rythme que l’altitude. Arrivés au presque bout, après avoir tenté de trouver un bon spot pour la nuit, nous nous engageons dans un demi-tour douteux autant que dangereux. La peur du vide, de basculer, la nuit, la fatigue et le stress, font de tout ça un mélange explosif qui nous giflent pour nous faire reprendre pied. Nous tentons de calmer nos nerfs, le temps que l’odeur des freins et de l’embrayage s’évaporent.

Fort du Saint-Eynard
(1338 m)

Le palpitant revenu à un rythme normal, nous continuons la route jusqu’à sa toute fin pour nous poser au pied du fort avec pour récompense, à quelques mètres à peine du van, une vue sur tout Grenoble depuis 1338 m d’altitude qui nous coupe littéralement le souffle. La vue est dominante, magique ville lumière à nos pieds dont nous observons la vie qui s’y passe.

C’est sublime, hypnotique, apaisant, juste ce qu’il nous fallait pour terminer une journée riche en rebondissements et en découvertes.

2 Commentaires
  • Amandine, Regard Lointain
    Posted at 14:25h, 21 janvier Répondre

    Super récit ! Il donne bien envie. On a suivi vos pas sans le savoir au 1er jour de l’an et il apparaît que le Cirque de St même est aussi beau l’hiver que l’automne. Il faudra que l’on y retourne pour le voir de nos propres yeux parés des couleurs rouges et or.

    • retourdumonde
      Posted at 16:52h, 29 janvier Répondre

      Merci Amandine ! C’était comment alors le Cirque en plein hiver, il n’y avait pas encore de neige ?

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