Formid’Alpes – Du Col du Rousset au Lac du Luitel – Jour 6

Formid’Alpes – Du Col du Rousset au Lac du Luitel – Jour 6

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Formid’Alpes

Road trip automnal entre Chartreuse et Vercors
Jour 6 – 8 Novembre 2018 – 562 km
Jour 6

Jour 6

Du Col du Rousset au lac du Luitel

562 km

Suggestion d’accompagnement sonore :

Chyvonne Scott – I’m Moving On
(Alto Records – 1963)

Star éphémère comme la soul pouvant en produire, la sublime voix de Chyvonne Scott n’aura pas suffit à lui faire sortir plus de 3 45trs. Ce coeur de pierre dont elle parle, ne serait-ce pas celui du Cirque d’Archian
e ?

C’est bercé par la sèche mélodie des gouttes qui viennent s’écraser sur la tôle du toit que nous avons passé la nuit entière. Au matin la fraicheur d’un vent de basse montagne vient nous caresser des corps chiffonnés accusant le coup des kilomètres et des nuits de vadrouille. Les yeux peinent à s’ouvrir, nos membres peinent à s’étirer.

C’est la première fois du voyage que nous mettons un réveil. Aujourd’hui il nous faut rattraper le retard que nous avons accumulé la veille et nous prenons la décision d’enquiller la route aussi tôt que possible.

Face à nous, sur la route du col du Rousset, le balai des voitures montant et descendant la vallée se fait de plus en plus présent, comme une mélodie qui se mettrait doucement en route, comme une musique qui ne demanderait qu’à se lancer. Pendant ce temps, des nuages bas viennent lécher la base des montagnes alentour et pourtant nous arrivons à distinguer du rose, du mauve, de l’orange à travers les nuages et avec même un peu d’imagination, un coin de ciel bleu se détache de temps à autre.

Col du Rousset
(1 254 m)

Dès 9h nous sommes sur la route, avalant les derniers kilomètres de bitume qui termine le Col du Rousset. C’est toujours aussi beau, toujours aussi magique surtout aux premières heures du jour.

Nous tombons sur Die, le point le plus bas de notre road trip. Ville modeste mais dans laquelle nous ne manquons pas de nous perdre, désespérément à la recherche d’un supermarché. Un passage à la station-service pour un plein d’essence parvient à nous remettre dans le droit chemin.

Ce qui nous frappe en terminant la descente du Col du Rousset c’est que d’un coup d’un seul, tout est différent. Les maisons se font plus provençales, les volets d’un bleu maya si particulier, des champs de lavande apparaissent comme si le Col du Rousset faisait office de frontière entre la fin des Alpes et le début de la Provence. Pourtant, bien que respirant un air plus méditerranéen, ces villages n’en sont pas moins frappés par les hivers rigoureux et les chutes de neige abondantes.

La route s’arrête pour nous et nous bifurquons plein nord, direction le Cirque d’Archiane. Sur ce petit brin de route avant d’y arriver et sur celle qui mène au Cirque, le soleil se lève soudainement, gagnant son combat contre les nuages gorgés de pluie et les lumières deviennent tout à coup magnifiques. Les tons chauds révèlent la palette de teintes automnales. C’est beau, encore et toujours.

La route du Cirque elle, nous ôte les mots de la bouche, sublimement sublime. Serpentant entre les devers, avec en ligne droite, face à nous, les montagnes du Cirque d’Archiane, elle nous rappelle de vieux souvenirs irlandais, de Gap of Dunloe et de la Blackwater Valley que nous avions arpentés par deux fois dans notre boucle du Kerry.

Sur notre gauche les 1 850 mètres du Glandasse nous enferment et allez savoir pourquoi mais les derniers kilomètres de cette route en cul-de-sac se parcourent entourés de buissons taillés à la française, nous donnant l’impression qu’un bout du jardin du château de Versailles se serait dématérialisé pour venir se poser au fond du Vercors.

Le Glandasse
(1 850 m)

De nouveau nous sommes accompagnés. Un énième chat errant, tout aussi pressant que celui de Vassieux-en-Vercors décide de nous tenir compagnie le temps de se préparer pour une petite rando.

Nous traversons le hameau d’Archiane et ses 4 ou 5 maisons dont l’une d’elle de 1867 porte le très bien nommé nom de “Bout du Monde”.

Tout autour de nous, à 360°, la vue est magnifique : Le Glandasse, le plateau de Tussac, la Tête du Petit Jardin et ses faux airs d’El Capitan à Yosemite. La lumière change, instable, impalpable, pas vraiment décidé sur sa position ni sur sa tenue. Elle essaie, se montre, se dévêt, se rhabille, se tourne et se retourne, donnant des aspects différents aux montagnes à chaque battement de paupières.

On s’embarque pour faire la moitié de la boucle de la rando. Le parc du Cirque d’Archiane est une zone de nidifications des vautours-moines, des gypaètes barbus, mais on y trouve également marmottes et chamois.

Le début de l’ascension est assez doux, nous parcourons ce qui ressemble à un ancien lit de rivière asséchée. L’eau, l’Archiane, nous l’entendons couler plus bas, avec un bruit lourd, sourd et impressionnant. Le dénivelé s’accentue, la montée est de plus en plus abrupte, rien d’exceptionnel et pourtant nous sommes en nage.

La sueur nous brûle les yeux mais ne nous empêche pas pour autant de nous faire gifler par la vue époustouflante avec cette Tête du Petit Jardin qui nous regarde de ses yeux de roches et dont tourne autour de lui, comme des mouches autour d’une vache, des vautours qui s’amusent a jouer à cache-cache dans la brume diaphane.

Nous grimpons jusqu’au belvédère, la vue y est sublime. Je laisse Cécile redescendre et prendre de l’avance, tandis que je reste seul profitant dans un silence naturel d’un panorama qui restera, pour moi, l’un des plus beau de ce voyage. J’écoute, je sens, je respire, je tente de me fondre, de ne plus exister pour laisser la nature reprendre le fil de son histoire.

Vient le temps de la redescente, les genoux claquent, les cailloux roulent sous nos pieds et c’est animés par une fringale monstrueuse que nous faisons d’un pas rapide le chemin du retour. Rapide mais hésitant, tant nous commençons à accuser le coup de la fatigue de la route.

Le greffier du début, lui, nous attends bien sagement au pied du van bien décidé à nous racketter d’un petit quelque chose. Nous lui filons un morceau de beurre afin qu’il prépare son gras pour l’hiver.

Passé cet interlude, la route nous appelle de nouveau nous proposant un de ses choix cornéliens dont elle a le secret : Soit nous tirons tout droit en direction de Chamrousse, prétendu et potentiel point final de notre journée, soit nous prenons notre temps en remontant en zigzag.

Il est 14h lorsque nous repartons du Cirque d’Archiane et nous coupons la poire en deux. L’idée c’est de remonter par des petits chemins de traverse qui eux rejoignent une grande départementale afin de gagner un peu de temps. Nous croisons alors la silhouette du Mont Aiguille et ses airs de Table Mountains. Comme la conclusion d’une histoire d’amour, sa silhouette achève de me convaincre : oui, je pense tomber amoureux de cette région, de ces sommets qui m’attirent comment un aimant, ou le vertige ne cesse de me répéter « Et si tu allais voir ce qu’il y a là-haut… »

Mont Aiguille
(2 085 m)

La suite de la route, elle, n’a strictement aucun intérêt. Une grande départementale passante et insipide jusqu’à Vif et la verrue de son pont autoroutier qui défigure la ville de son énorme balafre bétonnée. Saint-Georges-de-Commiers est tout aussi étrange. Une ville sous le pont, une enfilade de maisons de couleurs que l’on croirait sorties d’une station balnéaire britannique. On profite tout de même du bureau de poste afin de déposer la dizaine de nos cartes postales.

On rentre ici dans la lointaine banlieue de Grenoble, bien que certains pavillons soient assez plaisants, que la vue sur les montagnes est assez folle, il ne faut pas pour autant en oublier cette autoroute qui traverse le paysage et le côté délaissé de certains villages, dont Vizille que nous nous empressons de traverser au plus vite.

Au final, nous tenons notre timing et attaquons Chamrousse par Uriage-les-Bains et la forêt de Prémol. La petite route de montagne serpente au milieu de la forêt et des 1 750 m. Nous faisons un break devant la maison forestière située sur l’emplacement de l’ancienne Chartreuse de Prémol. Le spot est plutôt cool, bien que relativement près de la route, nous nous le gardons en option et reprenons la route.

En se trompant de chemin, nous bifurquons sur la route de la Séchilienne et le Col de Luitel (1 262m). Quelques petits étangs, un chemin forestier attrayants et un petit parking logé sous de monumentaux épicéas. Se poser ici, n’est pas spécialement autorisé, on ne va pas vous mentir, mais on a l’habitude hors-saison et, croyez-le ou non, mais nous ne laissons jamais de traces, sommes propres, ramassons nos déchets et surtout ceux des autres.

Col du Luitel
(1 262 m)

Et puis lorsque nous descendons du van pour se dégourdir les guiboles, la vue achève de nous convaincre, face à nous, et également depuis notre cuisine, nous voyons se découper les 2 857 m enneigés des cimes de l’imposant Taillefer. On y distingue également le Grand Armet et Les Mayes. La vue est top, le lieu est calme, que dire de plus ?

Nous en profitons pour arpenter le chemin fait de pontons qui permet de se balader au-dessus des tourbières de Luitel. Un véritable puzzle végétal où se mélangent les pins à crocher, typique des tourbières, des rhododendrons, des myrtilles….  Cette petite balade nous rappelle celle de Pomquet Point au Canada.

La nature est dans un mouvement perpétuel et continu, un corbeau nous raconte des histoires tandis que soudain, dans un fracas qui nous fait sursauter, un bouleau se déracine devant nos yeux fragilisés par l’humidité dans laquelle baigne ses racines.

Le réveil aux aurores, la rando, le silence, ce cocktail nous rappelle que la fatigue tape à notre porte. Nous tentons d’admirer les étoiles mais ces dernières rentrent aussi vite qu’elles sortent et en l’espace d’une dizaine de minute, juste le temps d’attendre que la nuit tombe encore un peu plus, les étoiles se sont empêtrées dans une couche de nuage bien dense.

De notre chambre, de notre spot, je reste hypnotisé par la silhouette blanche, lumineuse et presque phosphorescente du Taillefer qui de son blanc virginal transperce cette nuit sans lune, tel un phare guidant ses voyageurs.

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