Bidart, son église et ses histoires…

Bidart, son église et ses histoires…

Dans les petits villages, et ça peu importe les régions, le point névralgique a été de tout temps, l’église. Et à ça Bidart ne fait pas défaut. Placée au centre du centre du village, Notre-Dame de l’Assomption, c’est bien plus qu’un énième bâtiment religieux. Si on le décrypte, le décortique, ce bâtiment datant d’au moins 1578, et classé aux monuments historiques, nous raconte l’histoire du village. Alors par une journée ensoleillée de Mars, juste avant de filer à Zuggarramurdi, pour la énième fois j’ai passé les portes de ce bâtiment.

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Dans mes plus vieux souvenirs, l’église de Bidart était entourée de platanes où des vieux aitaxi prenaient l’ombre, devisant, refaisant le monde comme un peu partout. Mais ça c’était avant. Maintenant les platanes ont disparu, gentiment arrachés par un ancien maire qui estimait que ces derniers lui gâchait la vue sur les Pyrénées depuis son bureau de la Mairie, situé juste à côté. La place est donc devenue morne, les tables d’un des restaurant ne semblent plus vouloir s’arrêter de s’étendre cherchant encore et toujours plus à engendrer du chiffre. Passons les souvenirs de jeunesse, oublions, et concentrons nous sur ce qui nous intéresse.

Ici, dans cette église, j’ai été traîné pour aller voir des messes de minuit, j’y ai vu des concerts, j’y ai enterré des proches, et j’y ai surtout fait marcher mon imagination. Parce que le premier truc que vous devez voir avant de rentrer à l’intérieur se passe sous le porche. Au dessus de vous la salle capitulaire, pièce à tout faire, tantôt école pour les gamins, puis lieu de réunion des Jaun Etxeko (les chefs de Maison), ancêtre du conseil communal. Mais moi ce n’est clairement pas ça qui me faisait rêver petit. C’est plutôt sous vos pieds que ça ce passe. Face à la porte d’entrée, une dalle en pierre, simple, anodine, presque vide à l’exception d’une sorte de flèche.

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Intrigué, mes parents m’ont expliqué que sous mes pieds se trouvaient, et se trouve encore, la tombe du dernier chasseur de baleine de Bidart (ou du Pays Basque, les avis divergent), décédé en 1660 : Martin de Mendizabal (orthographié Mendiçabal, sans doute dû à une latinisation) dit Baroin ou Baroinenea. C’était parti pour mettre en marche mon imaginaire, les campagnes dans le Golfe de Gascogne, les mers froides de l’Islande et de Terre-Neuve. Depuis, quiconque j’accompagne ici se voit bassiner par l’histoire de cette tombe. On passera aussi sur la tombe accolée, une des seules “écrites”, témoignages rares du XVIème siècle à la typo propre aux tombes basques.

Bon ça c’était pour le porche, je pousse les portes avec Cécile, personne, parfait. Le retable doré de 1747 vous pète aux yeux, le bateau suspendu vous interpelle, et les trois étages de balcons vous dominent.

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Le bateau, c’est un morutier. Comme dit plus haut, de tous temps, les basques comme les bretons ont été des pêcheurs émérites, bravant les tempêtes en Islande, y établissant là-bas des camps saisonniers, y créant un langage approximatif mâtiné de basque et d’islandais (le fameux et avéré pidgin basco-islandais, dont on a peu de traces), et faisant sensiblement la même chose à Terre-Neuve et au Canada avec les indiens Algonquins (le pidgin basco-algonquin, dont on sait là, plus de choses) ou Micmac. Amusez vous à regarder une carte des îles et anses autour de Saint-Pierre-Et-Miquelon et vous comprendrez l’influence des pêcheurs basques.
Donc ce petit morutier fait office d’ex-voto pour toutes les familles de pêcheurs.

Comme il n’y a absolument personne, on décide de grimper dans les étages pour profiter de la vue. Les marches craquent, la lumière se fait plus rare, le plancher comme les bancs semblent avoir traversé le temps sans trop de dommages. Bien qu’ils soient pliés, marqués, gravés, ils sont toujours là. Du haut de cet étage, la nef a des allures de grange où l’on s’y verrait bien emmagasiner des moissons.
Et il y a un peu de vrai là-dedans. Pendant la Révolution entre deux ou trois pillages d’objets saints, l’église fut transformée en magasin de subsistance, la petite supérette pour l’armée…

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On continue au deuxième étage, je fais glisser ma main sur les barrières gravées d’inscriptions effacées, passées, et surtout impossibles à dater. La lumière y est encore plus rare. Et autant vous dire qu’arrivés au dernier étage, l’impression d’être dans le sombre grenier de la maison de famille se fait de plus en plus présente.

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Ah oui, on n’a pas parlé de ces balcons, leurs origines tout ça. La réponse est tout simple, vu l’accroissement de la population au XVIIème et ne voulant pas empiéter sur le cimetière attenant, il a fallu trouver une solution. La construction de plusieurs galeries fut la plus simple. Jusqu’à il y a peu, ces galeries étaient uniquement réservées aux hommes.

Et ça vaut vraiment le coup de monter tout en haut. Ne serait ce que pour admirer la vue plongeante, être au niveau du morutier ex-voto, et être à peine un cheveu d’ouvrir la porte donnant au clocher.

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Vu d’ici la lumière matinale qui vient taper dans les vitraux art nouveau, fait resplendir l’intérieur de toutes ces nuances de marron. Du marron orangé de la nef, au bois sombre des galeries, du plus clair de la nef, au plus soutenu des bancs. Joli contraste avec les murs blanc chaux de l’église. Combinaison typique de l’intérieur des maisons basques. Toute une ambivalence entre le clair et le sombre.

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On redescend pour tomber face à l’orgue de 1862, payé à l’époque par les dons des villageois, qui se voyaient alors octroyer le privilège de l’entendre jouer le jour de leur enterrement, pour les accompagner sur un autre chemin.

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Et pour terminer en beauté et en histoire, juste avant de sortir, à notre droite, on s’arrête devant la bizarrerie de cette église. Les fonts baptismaux. D’un coup on se croirait transporté en Mésopotamie, en Russie ou à Byzance.

Ils furent offerts par Nathalie de Serbie, Reine en exil, qui passât une bonne partie de sa vie à Bidart, dans la demeure de Sachino. On ne va pas s’étendre sur l’histoire de cette Reine, ni sur tout ce qu’elle fit à Bidart, ni sur sa vie rocambolesque, les plus curieux se tourneront vers l’un des rares livres qui existe. Mais fraichement convertie au christianisme elle demanda à sa sœur, la princesse Ghyka de confectionner un petit quelque chose pour remercier les Bidartars de leur accueil.

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Ce petit détail le prouve une fois de plus, il se passât un sacré paquet de choses dans le coin, et encore on aurait pu vous parler du Lieutenant-Colonel Richard Lloyd enterré debout dans le cimetière quand la bataille faisait rage dans la région entre français et anglais. On aurait aussi pu vous parler de la description de l’église que fit Victor Hugo quand il passa ici en coup de vent sur ce chemin le menant à San Sébastien. Trop de choses à raconter sur un même monument.

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On referme les portes de l’église, aussi discrètement qu’on les a ouvertes. Je jette un dernier regard sur la tombe du chasseur de baleine, le harpon gravé s’efface au fil des ans, mais mon imaginaire se met à travailler de nouveau comme il le fait depuis plus de 25 ans

12 Commentaires
  • argone
    Posted at 10:42h, 20 mai Répondre

    Ces fonds baptismaux sont en effet d’un style complètement différent ! merci pour la visite de ce lieu qui sort de l’ordinaire !

  • Curiosités à NY
    Posted at 16:42h, 20 mai Répondre

    Vos photos font vraiment ressentir l’ambiance des lieux ! Et j’adore toujours autant les graphismes d’en tete d’article !
    Curiosités à NY Articles récents..Selamat Pagi, un resto balinais à GreenpointMy Profile

  • Pingback:Bidart, son église et ses histoires... |...
    Posted at 10:11h, 21 mai Répondre

    […] Placée au coeur du village, l'Eglise de Bidart domine. Derrière ses murs épais se cachent des anecdotes qui racontent l'histoire du village.  […]

  • kitty64600
    Posted at 10:22h, 21 mai Répondre

    Très bel article et superbe photos ! Par contre juste un point, Bidart n’est plus un village depuis longtemps ! Selon la définition de l’insee un village compte moins de 2000 habitants or cela fais déjà plusieurs dizaines d’années que Bidart à sa population qui a dépassé les 2000 habitants, car en 2011, elle était recensée à 6296 hab. Voilà 🙂 ooohhh la rabat-joie !

    • retourdumonde
      Posted at 10:48h, 21 mai Répondre

      En effet merci de la précision ! 😉 C’est sans doute son atmosphère de village qui me fait l’appeler encore ça, bien que parfois je trouve que cette atmosphère de village tant un peu à s’étioler. Merci de votre passage !

  • Dargassies Martine
    Posted at 11:53h, 21 mai Répondre

    Magnifique! Mais je vous signale que “Fonts baptismaux” s’écrit avec un T (et non D)de la même famille de mots que “fontaine”.

    • retourdumonde
      Posted at 15:19h, 21 mai Répondre

      Merci pour votre commentaire ! Et veuillez m’excuser pour la faute, je viens de faire la modif 😉 Je dois admettre que je n’avais pas fait attention à son étymologie.

  • Xel0u le l0up
    Posted at 09:35h, 22 mai Répondre

    Je ne suis pas du tout religion… Mais c’est vrai que les églises m’ont toujours fascinée… Ce calme et cette sensation de force tranquille qui s’en dégage… Je me sens sereine quand je les visite.

    C’est marrant, j’ai passé beaucoup de temps pas loin de Bidart pendant mon enfance mais je crois que je ne l’ai jamais visitée… C’est beau !
    Mon papy habite à Pau, si j’ai la chance d’y retourner dans peu de temps, je crois que je ferai le détour pour voir ça !

    Belle journée, et merci de tous ces beaux partages <3
    Xel0u le l0up Articles récents..Hubert Reeves, ou l’ouverture du champ des possibles.My Profile

  • Diharce
    Posted at 17:18h, 05 mai Répondre

    Je suis originaire de Bidart et mes aïeux reposent dans le cimetière. Je trouve votre article très intéressant et qui est accompagné de belles photos. Etant loin de mon “ancien village” e replonge avec joie deans l”histoire de l’église. Merci

    • retourdumonde
      Posted at 18:36h, 15 mai Répondre

      Merci à vous pour votre message. J’ai moi-même des amis qui reposent dans cet endroit. Merci de votre passage.

  • Exposito Peio
    Posted at 00:29h, 06 juillet Répondre

    Article très intéressant, merci cher bidartar. Étant au restaurant Elissaldia tous les jours., je prends par contre vos 2 lignes comme un reproche d’augmenter notre nombre de tables.. Peut être préféreriez vous qu’il y ait un commerce de moins encore sur la place de Bidart, après les disparitions du boucher,poissonnier, photographe, fleuriste, spar.. Et bientôt poste et banque. Sachez tout de même que notre fierté est d’être là depuis 70ans cette année et d’employer une quinzaine de personne du coin, désolé si ça vous dérange et désolé si cela fait baisser le chômage en France. Au plaisir de vous rencontrer. Peio Exposito

    • retourdumonde
      Posted at 08:43h, 06 juillet Répondre

      Bonjour Peio, merci pour votre message. Au fond on a des points communs, tout comme vous je regrette les disparitions du boucher, du poissonnier, du photographe, etc… Entendons nous bien, je n’ai jamais remis en cause votre capacité à employer du monde, ni même d’être un contributeur historique de l’économie bidartar. Je me permettais juste d’émettre un ressenti, un avis, sur le fait que bien souvent, venue la saison, la place se transforme en une terrasse de café géante. Je n’ai aucune aversion, ni antipathie à votre égard. Au plaisir d’en discuter autour d’une mousse à votre terrasse.

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