Sur les hauteurs d’Ainhoa

Sur les hauteurs d’Ainhoa

Pour vous parler des hauteurs d’Ainhoa, je vais devoir de nouveau faire remonter à la surface quelques souvenirs. C’est comme ça. Cette région est liée à moi, comme je suis lié à elle, chaque pas que j’y fais est un voyage dans le temps. D’Ainhoa je pourrais en faire un papier entier, mais il me faut d’autres traces, d’autres souvenirs pour pouvoir en parler convenablement. J’ai donc marché sur mes traces, on a pris de la hauteur pour embrasser cette vue sur l’horizon lointain, des côtes aux montagnes, une vue en 3D qui, le soir venant, éclate de beauté.

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Petit, lorsque mon frère et moi, après nous être coursés des heures durant dans le jardin ombragé de l’auberge d’Ohantzea, nous nous posions, je relevais toujours la tête pour regarder, là-haut sur les hauteurs. J’apercevais la montagne Atsulai et ses petites croix disséminées tout le long de son flanc. Je tannais mes parents pour qu’on monte là-haut, qu’on prenne de la hauteur, je n’avais pas besoin de trop leur forcer la main, c’était un peu le passage obligatoire de chaque visite à Ainhoa, le point final d’une journée souvent heureuse.

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Lorsqu’on a laissé derrière nous l’idée d’une énième tentative ratée d’aller randonner du côté d’Aritzakun, je me suis dit qu’une petite balade sur les hauteurs d’Ainhoa était une bonne solution de repli. On est donc monté à l’assaut de ce chemin en lacet, raviné, saigné de multiples rigoles de cailloux, nombreuses traces laissées par les ravages des dernières pluies. Et comme étant môme, j’ai compté les croix. Les douze qui bordent le chemin de ce calvaire. Petit c’était surtout un bon moyen de savoir quand on allait arriver, savoir quand j’allais pouvoir reprendre des couleurs après tout ces virages qui ne laissaient pas mon estomac tranquille.

Et puis on arrivait en haut, et c’était la délivrance, à peine la porte ouverte, une grande goulée de cet air pur suffisait à me faire revenir le rose aux joues. Après donc une ascension tortueuse, on s’est donc posé devant la chapelle de Notre-Dame-de-l’Aubépine (Arantzazuko Ama Birjinaren kapera). Derrière toute chapelle, église, il y a bien souvent une histoire d’apparition. Celle ci ne déroge pas à la règle, puisqu’en effet la Sainte Vierge serait apparue dans un buisson d’aubépine à un berger qui se serait écrié : Aranza zu !” («Vous dans le buisson d’Aubépine ! »). D’où le nom. Depuis à chaque lundi de Pentecôte, les fidèles d’ici ou d’ailleurs montent en procession le chemin de croix qui unit le village à la chapelle depuis 1886.

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Nous, on est resté là quelques instants, profitant de la vue, de l’air frais de la montagne qui venait apaiser la lourde chaleur de la côte. De là-haut, part un grand nombre de différents chemins de randonnée, alors on a pris nos affaires, et puis on est parti au petit bonheur la chance, sans trop savoir où tout ça allait nous mener.

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On a remonté un chemin, en fait un morceau du GR10 qui traverse toutes les Pyrénées, grimpant des côtes, profitant de la vue dégagée, déambulant entre les moutons, les pottoks et leurs poulains, jusqu’à arriver à cet abri en pierre, un cayolar comme on les appelle. Lui aussi faisait partie de ma mémoire, caché au fond d’un tiroir, il était un de mes rares souvenirs des randos dans ces montagnes là.

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Les pas ont continué de nous guider, suivant les repères rouge et blanc du GR, enjambant petites cascades et rus. On n’a croisé personne ou presque, seulement un randonneur du GR10, qui avait posé sa tente pour la nuit au détour d’un virage en retrait. Protégé du vent par les arbres, et face à une des plus belles vues pour un réveil aux aurores, il faisait sa popote dans un silence que seules les montagnes sont en mesure d’offrir. On a continué sur un petit kilomètre jusqu’à une clairière recouverte d’un épais tapis de mousse boosté par le soleil de printemps.

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Tranquillement alors que ça faisait plusieurs heures que nous marchions, on a rebroussé chemin, doucement, à notre rythme, celui d’une fin de journée. On est repassé près du cayolar, où l’on était attendu par un petit pottok et sa mère. Bien plus curieux qu’apeuré, il nous a regardé longuement, la patte en l’air, hésitant quand au danger que nous représentions.

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J’y vais, je n’y vais pas, qu’est ce que je fais ? On est resté statique, lui s’approchant, jetant tout de même un œil en arrière histoire d’évaluer la distance et le temps nécessaire pour se replier dans les poils de sa mère. Il a bien tenté de nous suivre sur quelques mètres, puis comme si de rien n’était, il est retourné brouter.

Au loin la lumière commençait à décliner, faisant ressortir la silhouette acérée des 905m de La Rhune (Larrun), faisant du chemin du retour une petite parenthèse de bien-être au beau milieu du silence. Voilà ce que je viens chercher quand je me perds ainsi dans les montagnes.

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Arrivés à notre point d’arrivée, au pied des trois croix du Calvaire, on a repris notre souffle, on a ouvert les yeux et on est resté là la plusieurs minutes à apprécier le coucher de soleil.

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J’ai gonflé mes poumons de cet air que j’aime tant, la bobine des souvenirs s’est mise en route et je me suis souvenu de toutes ces images qui sont liées à cet endroit où je n’avais pas remis les pieds depuis une bonne quinzaine d’années.

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Fenêtres ouvertes, bercés par un petit vent rafraîchissant, on a amorcé la descente des hauteurs d’Ainhoa, passant devant ce fameux buisson d’aubépine. Dans le rétroviseur apercevant la forme des croix, s’est mis à résonner la voix d’Ella Fitzgerald chantant un spiritual bien connu : « On a hill far away, stood an old rugged cross, the emblem of suffering and shame. And I love that old cross. »

Suggestions d’accompagnement sonore :

Ella Fitzgerald – The Old Rugged Cross  (Capitol – 1967)
Quand la sublime voix d’Ella Fitzgerald transcende un spirituals de 1912 écrit par Georges Bennard

Memorabilia :

Les cartes postales éditées à l’époque, sont un témoin indéniable du passé et de l’évolution des lieux. Dans ces trois là, issues de ma collection personnelle, on a donc  la chance d’avoir une photo du procession de la Pentecôte en 1898.

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15 Commentaires
  • Liilice
    Posted at 09:58h, 16 juin Répondre

    Qu’ils sont beaux vos voyages dans tes souvenirs <3 Merci pour le partage 🙂

    • retourdumonde
      Posted at 12:39h, 16 juin Répondre

      Merci Liilice ! Des souvenirs il y’en a encore plein à raconter 😉

  • Xel0u
    Posted at 23:24h, 16 juin Répondre

    Superbes photos, comme d’habitude 😀

    Merci pour ce beau partage 🙂

  • Chloé [Kinda Break]
    Posted at 17:45h, 17 juin Répondre

    Je découvre par hasard votre blog qui est magnifique. Super article, vos photos sont très réussies, j’aime beaucoup votre sensibilité dans vos textes comme dans vos images. Jolie balade au Pays basque. J’ai maintenant hâte de lire vos prochaines aventures.

    • retourdumonde
      Posted at 18:12h, 17 juin Répondre

      Merci beaucoup à toi pour ce petit mots qui donne envie de continuer, continuer à partager ! 😉

  • Maïder
    Posted at 16:28h, 18 juin Répondre

    Ah j’avais oublié que la vue était si jolie de là-haut et mignon le petit pottok qui joue à cache-cache 😉
    ps : joli choix d’accompagnement sonore

    • retourdumonde
      Posted at 10:39h, 19 juin Répondre

      Oui cette vue est vraiment magnifique, et puis, par chance, il n’y a pas grand monde, sans doute la montée jusqu’au calvaire en refroidi plus d’un (Avant il était possible d’y monter en voiture, il semble que ce soit interdit désormais, la route est devenu chemin pastoral).
      Oh merci ! Difficile de se tromper avec du Ella Fitzgerald ! 😉

  • May
    Posted at 09:45h, 12 août Répondre

    Article très sympathique, je ne connais pas du tout cette région malheureusement, mais il y a l’air d’avoir de bien belles choses à voir !
    En tout cas tes photos sont magnifiques, très poétiques par moments, j’aime beaucoup.
    Merci de partager tes souvenirs avec nous 🙂
    May Articles récents..Rome Jour 1 – Piazza di Popolo et la Villa BorgheseMy Profile

  • CRISTINA
    Posted at 23:12h, 27 janvier Répondre

    hola me ha gustado mucho su reportaje las fotos son preciosas y los comentarios interesantes bien escritos con todo detalle ,
    yo que vivo en esta zona y que nunca me canso de andar por estos montes de iparralde y el baztan ,,,,
    gracias por compartir .

    • retourdumonde
      Posted at 20:53h, 01 février Répondre

      Muchas gracias por tu comentario Cristina va directamente a mi corazón y me hace muy feliz de leer. Eskerrik asko!

  • Pauline
    Posted at 10:47h, 10 novembre Répondre

    Magnifiques paysages et magnifique récit (et le petit pottok est trop chou !).
    L’appel de la montagne, c’est quelque chose qui me parle, et cette bouffée d’air pur quand on arrive au sommet, ce silence dans les montagnes, … ça résonne en moi.
    Merci pour ce beau moment !

    • retourdumonde
      Posted at 16:20h, 12 novembre Répondre

      Merci Pauline pour ce petit message ! Surtout qu’au Pays Basque les montagnes sont partout, toujours à vous regarder du coin de l’œil, toujours a être présente comme des repères, et l’envie est toujours très forte de monter là-haut, prendre un peu de hauteur, respirer le grand air et se sentir tout petit.

  • Mitchka
    Posted at 10:49h, 10 novembre Répondre

    Oh le poulain il est trop mignon !! La balade est extraordinaire aussi …. mais le poulain <3
    Plus sérieusement, je trouve le billet particulièrement émouvant et finir avec la voix d'Ella Fitzgerald c'est un peu magique 🙂

    • retourdumonde
      Posted at 16:18h, 12 novembre Répondre

      Oui, il était super mignon ! On a bien du rester une petite vingtaine de minutes sans bouger à voir si il allait franchir le pas de venir nous voir ou non, mais il avait encore la peur de la jeunesse mais saupoudrée avec un petit peu de témérité. Mais lorsqu’on a repris le chemin il s’est mis à nous suivre, puis du regard, c’était mignon !
      Aaaaah Ella a se pouvoir (sur moi en tous les cas) de bien me vriller les tripes ! <3

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